La fille de la bande

Anne-Laure Moinet, 38 ans, chanteuse du groupe poitevin Lady Bird Jazz’tet. Ce petit gabarit au timbre de voix suave interprète les grands standards des autres… à défaut d’oser mettre en musique ses propres textes. Signe particulier : travaille en famille et au masculin.

Arnault Varanne

Le7.info

A la télé-réalité, elle préférera toujours la réalité. Entre les tours de chants éphémères face caméras, factices et artificiels, et l’intimité des salles de concert, Anne-Laure Moinet opte pour la seconde proposition. Public en visu et partage d’émotions sincères en guise de récompense. « Le public, j’ai besoin de le sentir, de recueillir ses impressions à la fin d’un spectacle… » Cette communion dure depuis neuf ans. Neuf ans d’une complicité jamais démentie avec ses acolytes de Lady Bird Jazz’tet : Patrice Joubert, contrebassiste de son état et… époux de madame à la ville, Hervé Joubert, batteur et beau-frère. Mathieu Debordes (piano) et Bruno Texier (saxophones et flûtes) complètent le quintette. « Et ils font tout autant partie de la famille ! »

Leur petite entreprise ne connaît pas la crise. De soirées événementielles en festivals, des concerts à l’étranger aux premières parties, les Lady Bird remplissent les carnets de commande avec une jolie habileté. Dans la hiérarchie du groupe, l’ancienne cavalière de bon niveau se considère comme « une ouvrière du métier » de l’interprétation. Cole Porter, Quincy Jones, Horace Silver, Chet Baker, Ella Fitzgerald… Anne-Laure reprend les grands standards du jazz « à sa manière ». A la fois soucieuse de proximité et d’une certaine distance. « Les arrangements permettent de créer des moments créatifs. Mais je dois avouer que je ne suis pas une improvisatrice vocale. »

Poésie et mélancolie

Même lorsqu’elle s’attaque aux monuments de la chanson française (Gainsbourg, Nougaro, Barbara), la « Lady » se drape dans une forme de retenue. « Ces artistes, je les aime tellement que je m’en imprègne. Chez Barbara, par exemple, je vois beaucoup plus de poésie que de mélancolie. » Peut-être cette admiration l’empêche-t-elle de soumettre ses propres textes au jugement du public. De son propre aveu, elle « laisse du temps au temps». « J’y arriverai peut-être un jour. » Difficile, toutefois, de lui reprocher de ne pas consacrer son temps libre à trimbaler sa silhouette fluette sur les routes de France. 

Car sa réalité d’intermittente du spectacle se conjugue avec une vie de famille tout ce qu’il y a de plus normale. Les lendemains de concerts, ses deux « mômes » de 4 ans et demi et 21 mois n’ont cure de la fatigue accumulée de leur chanteuse de maman et contrebassiste de papa. « On est beaucoup dans la réalité, peut-être que ça nous empêche de faire certaines choses. Mais on n’a surtout pas envie d’être des marginaux. » Alors oui, comme dans n’importe quelle famille, mots et maux cohabitent parfois le temps d’une franche explication. « On se dit les choses sans débordement, glisse l’ancienne élève du Conservatoire. Ils ont confiance en moi, j’ai confiance en eux. »

« Un milieu hyper-fermé »


Comme n’importe quel artisan qui « fait ses petites affaires », Anne-Laure se soucie évidemment comme de sa première robe de soirée des « qu’en dira-t-on ». Dans le milieu « hyper fermé du jazz », les Lady Bird passeraient presque pour des ovnis. Pas assez puristes ? Et alors… Du moment que le public plébiscite leur travail, ils s’en moquent ! On sent d’ailleurs chez la fille de la bande un mélange d’humilité, de sensibilité et de détachement. Les pieds ancrés dans la réalité. Loin des paillettes de la télé… « Les télé-crochets, c’est comme donner des miettes de pain à un poussin. Je trouve ça cruel et éphémère. » Anne-Laure Moinet a passé l’âge.

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