Là où Levant le mène

Stéphane Duval. 47 ans. Directeur de la Maison de l’Architecture, à Poitiers. Fondateur des éditions Le Lézard Noir. Grand passionné de bande dessinée, de musique et de la culture avant-gardiste nippone, ce touche-à-tout ne connaît pas l’ennui.

Florie Doublet

Le7.info

En refermant la porte de la Maison de l’Architecture, Stéphane Duval s’excuserait presque d’avoir été « très bavard ». Le directeur des lieux vient d’achever le récit de sa vie en multipliant les digressions. Ce Poitevin de 47 ans est capable de passer d’un sujet à l’autre avec une aisance déconcertante. Du travail pointu d’un auteur de manga japonais encore inconnu en France à la calvitie camouflée d’un animateur de C8… Le grand écart !

La nature a horreur du vide, Stéphane Duval aussi. « Toujours en mouvement », il ne déteste rien de plus que l’ennui. « Si on ne bouge plus, cela signifie qu’on est mort », lâche-t-il. Forcément, ce Parisien d’origine ne garde pas un souvenir impérissable de son adolescence châtelleraudaise… « Je me suis emmerdé », résume-t-il. « J’avais 13 ans lorsque je suis arrivé dans la Vienne après la mutation de mon père, raconte ce grand passionné de musique et de bande dessinée. Culturellement, cela a été un choc. Pas de librairies de comics, de bouquinistes ou de disquaires. Fallait monter à Poitiers, c’était une véritable expédition ! Et puis, dans la plaine d’Ozon, en plein milieu des années 80, si on préférait écouter de la musique ou lire plutôt que de jouer au foot, on était vite traité de « PD ». »

Mettre fin aux clichés

Ces embûches ne l’ont pas arrêté. Aujourd’hui, Stéphane Duval est à la tête de la maison d’éditions Le Lézard Noir, qu’il a lui-même fondée, en 2004, après avoir quitté son job de vendeur au « Monde du Disque ». Il vient d’ailleurs de remporter, à Angoulême, le trophée Fauve 2017 de la meilleure série pour les quatre tomes de « Chiisakobé », du mangaka Minetaro Mochizuki. La culture avant-gardiste nippone, une autre de ses grandes passions. Trois voyages au Japon lui ont insufflé cette envie de « promouvoir autre chose que tous les clichés de carte postale » sur l’Asie. « J’édite les livres que j’aimerais lire, expose-t-il. Par exemple, lorsque j’ai rencontré Suehiro Maruo, en 2003, son travail n’était pas diffusé chez nous. J’ai trouvé cela totalement aberrant. Il faut faire connaître ces artistes underground. J’ai édité des livres qui étaient assez « durs », érotiques ou violents, mais je pense que ces oeuvres méritent d’être expliquées. »

Dorénavant, l’éditeur partage son temps entre le Lézard Noir et la Maison de l’Architecture, qu’il dirige depuis 2005. « Lorsque j’ai été recruté, je ne connaissais absolument rien à l’architecture. Je n’avais aucun diplôme, à part le bac, souligne-t-il. Finalement, j’en ai fait un atout, car j’ai pu expérimenter, tenter de nouvelles choses et sortir des sentiers battus. J’ai par exemple proposé des expositions au croisement de plusieurs disciplines comme Mangapolis et, prochainement, les villes connectées. »

Le syndrôme de l'imposteur

Néanmoins, Stéphane reconnaît être touché par le « syndrôme de l’imposteur ». « J’ai toujours eu l’impression d’usurper le poste de quelqu’un de diplômé. J’ai repris des études d’administration à l’IAE de Poitiers, en 2008, pour gagner une sorte de légitimité. » Depuis, il a largement fait ses preuves. Il pourrait désormais prétendre à des postes haut placés et retourner vivre dans la capitale tant regrettée. « Je crois que mon confort « petit bourgeois » me retient, analyse-t-il. Je n’ai pas envie de m’enfermer dans un 25m2, de prendre le métro… »

Paradoxalement, son quotidien se résume à un « périmètre au carrefour du bureau, de la maison et de la Poste ». De quoi se sentir un peu à l’étroit. « Parfois, je me dis que je suis dans la village du Prisonnier (série télévisée britannique des années 60, ndlr). » Heureusement, il parvient à « s’échapper » au Japon, une fois par an, quand l’envie d’ailleurs se fait trop pressante. « Je m’y sens bien, un peu comme s’y je revenais chez mamie, sauf qu’il y a douze heures d’avion », plaisante- t-il. Ces voyages annuels sont aussi l’occasion de revoir sa belle-famille. Stéphane a épousé Asako, une Japonaise rencontrée… à Poitiers. « C’était ma voisine ! » Quelques mètres les séparaient. Un pays les a réunis.

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