Le bâtisseur de ville

Gérard Bouly, 88 ans. Plus jeune adjoint au maire de Poitiers, Pierre Vertadier (1965-1977). Aujourd’hui l’un des derniers « survivants ». Elu sans ambition politique, mais avec l’envie de « tout changer ». En charge de l’urbanisme, il a suivi de nombreux chantiers, à commencer par celui de la « pénétrante ».

Romain Mudrak

Le7.info

Sa maison est suspendue à la Cueille Aiguë. La fenêtre de sa cuisine lui offre une vue imprenable sur la vallée du Clain et sur le viaduc de la voie André-Malraux, plus connu des Poitevins sous le nom de « pénétrante ». Un pied de nez à son histoire personnelle. Une façon de ne jamais oublier que c’est lui, Gérard Bouly, qui a suivi les travaux de construction de cet ouvrage nécessaire pour désengorger l’accès au centre-ville. « Enfin, techniquement ce sont les services de l’équipement », nuance très vite l’octogénaire. Dans la majorité de Pierre Vertadier, maire de Poitiers de 1965 à 1977, il était en charge de l’urba- nisme. Un gros dossier dans une ville où « tout restait à faire ». C’est à ce titre que le benjamin de l’équipe municipale a coordonné l’apparition de ce pont au-dessus de Montbernage.

Les habitants du quartier ont souffert. L’élu a eu à cœur de les « accompagner honnêtement » afin d’aboutir à une « estimation juste de leur bien correspondant à leur sacrifice ». « Je ne voulais pas les laisser seuls face à l’administration, poursuit l’intéressé. Je sais que des gens ont cessé de me dire bonjour, mais j’ai vraiment le sentiment d’avoir fait le maximum pour qu’ils ne soient pas roulés. » Résultat, le viaduc a vu le jour au début des années 1970. L’un des plus importants dossiers que Gérard Bouly ait eu à suivre. Elu sans ambition politique, ce dessinateur-projeteur de La Poste voulait simplement « agir pour faire bouger la ville ». Une fois aux manettes, il n’a pas été déçu. « Nous étions une bande d’amis de tendance gaulliste, comme beaucoup de gens après la guerre. Mais la politique n’était pas notre priorité. Nous voulions surtout faire table rase du passé, renouveler une vieille génération d’hommes po- litiques ancrés à Poitiers. »

Poitiers change de visage

Sans programme précis et dépourvu de candidat après le suicide de la tête de liste, le D Guillon, quelques jours à peine avant le premier tour des élections municipales l’équipe menée par son remplaçant, Pierre Vertadier a finalement remporté le scrutin sur une certaine idée du changement. « Nous ne manquions pas de culot ! Nous avions l’impression que Poitiers dormait sur ses acquis de ville administrative. Certains quartiers semblaient complètement oubliés », se souvient Gérard Bouly. Eclairage, voirie, traitement des déchets... L’élu s’attaque de front à une toute une série de chantiers. Côté commerces, les rues Pétonnet et « Gambett’ » (ouvertes aux voitures) sont réhabilitées. La municipalité décide également de remplacer le parking devant l’hôtel de ville par une place réservée aux piétons, dotée d’une grande fontaine. Un aménagement conservé jusqu’au projet Cœur d’agglo trente ans plus tard. Dans les années 1970, la population quitte la campagne et afflue en ville. Comme dans toutes les cités, on construit des tours pour loger tout le monde dans un quartier qu’on appellera les Couronneries. « Les tours étaient incontournables, concède l’adjoint. Mais nous avions essayé de garder beaucoup d’espaces verts pour ne pas entasser les gens. »

« Epuisé » par douze ans de mandat, Gérard Bouly annonce à son ami Vertadier qu’il ne devra pas compter sur lui pour les élections de 1977. L’adjoint rapporte que ce dernier s’est alors tourné pour lui répondre qu’il ne se représenterait pas non plus. La boucle était bouclée. La majorité socialiste de Jacques Santrot pouvait s’emparer des clés de la ville. Rangé de la vie politique, Gérard Bouly, marié et père de trois enfants n’en a pas moins terminé avec sa fièvre bâtisseuse. Fort de son expérience, il a intégré la direction des travaux du groupe hospitalier de l’Hôtel Dieu. A l’époque, on envisageait la construction de la tour Jean-Bernard et d’un ensemble de pavillons médicalisés sur le site de la Milétrie. Une fois à la retraite, il ne s’est pas fait prier pour déconnecter et souffler chez lui. Sans oublier de jeter un œil de temps en temps sur son œuvre, à travers la fenêtre de sa cuisine.

Retrouvez ci-dessous des images du centre de Poitiers, avant la "pénétrante". Crédit photo : Gérard Bouly.

À lire aussi ...