Précoces, et alors ?

En France, 2,5% des individus seraient intellectuellement précoces. Sans parler de « surdoués », l’Education nationale et les associations spécialisées accompagnent les jeunes enfants à haut potentiel sur la voie de la réussite. Qui passe parfois par des alternatives non scolaires.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

146. Ce nombre a causé beaucoup de tracas à Thibaut pendant sa jeunesse. Des années durant, son QI (quotient intellectuel) lui a collé à la peau et à suscité les moqueries souvent jalouses de ses camarades. « On me taxait d’intello, de surdoué, explique le jeune homme de 24 ans, aujourd’hui membre d’un grand orchestre philharmonique de Berlin. Au collège, j’ai été victime de harcèlement moral de la part d’autres élèves qui me reprochaient mes notes élevées. » Thibaut a suivi un cursus scolaire tout à fait normal, « sans sauter de classe », avec des résultats « toujours très bons sans trop d’efforts ».

En réalité, le natif de Poitiers fait partie des individus dits intellectuellement précoces (IP), qui représentent 2,5% de la population française. Si certains parlent de surdoués, François La Fontaine préfère utiliser le terme de « haut potentiel ». Le référent académique à la scolarisation des élèves intellectuellement précoces explique que « les « IP » ont un fonctionnement intellectuel différent des autres enfants ». « Un enfant précoce, il faut l’imaginer comme un gaucher, qui évolue dans une société de droitiers. La plupart des outils sont conçus pour les droitiers. Le gaucher doit s’adapter. Nous devons faciliter cette adaptation. Nos réflexions portent aussi bien sur l’organisation de la scolarité que sur les outils pédagogiques ou les relations sociales au sein des établissements. »

Trois catégories de précoces

Attention néanmoins à ne pas faire de raccourcis. « L’IP » n’est pas un individu anormal. « On distingue trois catégories de précoces, reprend François La Fontaine. Ceux qui vont faire preuve de facilité et de rapidité et qui réussiront sans difficulté leur scolarité, ceux qui seront en situation d’échec scolaire et qui n’atteindront pas les études supérieures, et ceux qui connaîtront des hauts et des bas pendant leur enfance. » A ce jour, le seul moyen reconnu par l’Education nationale pour reconnaître la précocité d’un enfant consiste à lui faire passer le test WISC 5, qui délivre le QI. « Sont considérés « IP » ceux qui obtiennent plus de 130, avec un intervalle de confiance de dix points », note Marie-Anne Di Constanzo, bénévole de l’Association française pour les enfants précoces (Afep). La Poitevine et son association organisent régulièrement des événements à destination des enfants précoces et de leur famille, en partenariat avec l’Espace Mendès-France et les Petits Débrouillards. « L’Afep a également vocation à informer et conseiller les familles pour les rediriger, si besoin, vers des professionnels qualifiés. »

Selon Virginie Bouchet, psychologue installée à Poitiers, « certains IP sont fragiles, anxieux, voire dépressifs, du fait du décalage entre leur niveau de développement intellectuel et leur niveau de développement affectif et émotionnel ». Elle rappelle en outre qu’une personne précoce « ne dispose pas uniquement de capacités intellectuelles au-dessus de la moyenne, mais aussi d’un mode de raisonnement singulier et d’une perception sensorielle très développée ». L’an passé, le rectorat a ouvert vingt-six dossiers de suivis individualisés d’enfants précoces dans la Vienne. « Pour accompagner ceux qui en avaient besoin sur la voie de la réussite mais, surtout, de l’épanouissement », conclut François La Fontaine.

À lire aussi ...