Ainsi va sa vie

Zineb Soulaimani. 32 ans. A entrepris de raconter un siècle de vie à travers cent portraits audio de personnalités de tous horizons. Poitevine hyperactive pendant neuf ans. Partie à Paris. Revient dans la région avec un regard neuf et une sérénité empreinte de maturité.

Arnault Varanne

Le7.info

Celles et ceux qui suivent la programmation du Tap s’en souviennent certainement. Avant de s’envoler vers Paris et d’y vivre de nouvelles aventures culturelles, Zineb Soulaimani a servi de « tête de gondole » à la saison 2014 du Théâtre-auditorium de Poitiers, consacrée à la Méditerranée. Joli symbole pour la gamine de Fès, débarquée neuf ans plus tôt dans l’ex-capitale régionale en quête d’« émancipation ». Et qui a, d’entrée, écumé le tissu associatif local. Chargée de com’, comédienne, danseuse, bénévole… Avec du recul, elle analyse sa boulimie d’engagements comme un « moyen de passer inaperçue ». Paradoxal ? « Non, embraie la jeune femme, c’était une stratégie de survie inconsciente, une manière d’apprendre la langue, les codes… »

« Une construction sociale »

Petit à petit, la titulaire d’une licence de sociologie et d’un Master 2 en stratégie et Management de la communication s’est fait un nom et une réputation. Et puis, les opportunités professionnelles l’ont amenée vers la capitale, puis au théâtre des Amandiers de Nanterre et même jusqu’à Pékin, où Zineb a joué les chargées de mission de spectacle vivant pendant un an. La voilà de retour dans la région armée d’une vraie sérénité, fruit de ses expériences passées. Au point de tendre le micro aux autres, dans un ambitieux projet intitulé « Ainsi va la vie ». La future Franco-Marocaine -elle déposera son dossier de demande de naturalisation cet été- a entrepris de dresser une fresque monumentale de cent portraits de personnalités très différentes. « J’ai envie d’embrasser un siècle de vie d’une même époque… », dit-elle élégamment. Avec cette question qui  nous taraude tous : « Qu’est-ce que le bonheur ? » « C’est une porte d’entrée, qui permet de voir dans les choix de vie des autres ce qui est commun avec les siens. » Ses portraits sonores sont un pur régal, ponctués d’archives et de morceaux musicaux à propos.

« On fait famille malgré nous »

Mais au fait, c’est quoi le bonheur Zineb ? « Argh… Les réponses, je les ai toujours cherchées chez les autres. Je dirais que ce sont des états de joie éphémères et fugaces, dans lesquels on réussit à être soi, à être honnête avec soi-même. » La trentaine passée, la future pensionnaire du Master d’écriture et réalisation documentaire parle avec l’assurance de celles qui savent. Qui savent que « trouver son identité est une construction sociale qui passe par des étapes de crise ». La fille d’entraîneur de foot et d’infirmière s’est fait tatouer le mot « Home » sur le poignet. Manière de dire que son nouveau « chez elle », c’est la France. Manière aussi d’échapper à sa destinée de femme au Maroc.

Zineb n’a pas tourné le dos à sa famille, loin de là. Ni à son pays puisque plusieurs épisodes d’Ainsi va la vie y ont été tournés au cours d’un road-trip de deux mois, au printemps dernier. N’empêche, elle a pris ses distances avec les us et coutumes du royaume de l’Atlas. « Lors de mon dernier voyage, je me suis retrouvée à Marrakech à boire du bon vin français avec des amis. Jamais je n’aurais cru cela possible. Au Maroc, c'est prohibé.  Tout comme la femme reste sous la tutelle de son père ou de son frère avant le mariage. » Elle a donc pris la tangente et ne regrette rien, même si ses choix de vie ont forcément heurté ses proches. « On fait famille malgré nous », abonde Zineb.

Elle est aujourd’hui en paix avec elle-même, prête à s’affranchir des carcans et des contraintes extérieures. Ses multiples expériences lui ont forgé un mental solide et une « capacité d’adaptation » unique. Son « besoin de maîtrise » peut sembler un handicap, même s’il résulte d’une volonté de « bien faire les choses ». A la rentrée, elle devrait s’occuper d’une rubrique dans un magazine culturel sur France 3 Nouvelle-Aquitaine. Nourrie d’« au moins trois heures de podcast quotidien », elle devra « livrer un portrait de cinq minutes sur un artiste de la région ». « Moi qui voulais me cacher, je passerai du son à l’image. C’est raté ! » Au-delà, Zineb s’est lancée dans la création d’un documentaire sur la Marseillaise. Encore l’envie de « déconstruire les préjugés ». Une vie n’y suffira pas.

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