Sucre et sel, même combat ?

Afin d’endiguer la surconsommation de sel en France, les pouvoirs publics envisagent la mise en place d’une « taxe sur le sel » sur le modèle de la « taxe soda ». Une proposition qui est loin de convaincre.

Claire Brugier

Le7.info

Irrésistible exhausteur de goût, le sel pourrait subir à très court terme le même sort que le sucre. Le rapport de la Commission d’enquête sur l’alimentation industrielle, inscrit au menu de l’Assemblée nationale fin septembre, envisage en effet la mise en place d’une « taxe sur le sel », tout particulièrement sur les produits de l’industrie agro-alimentaire et de panification.  De quoi faire ressurgir des livres d’histoire le lointain souvenir de la gabelle,  une taxe royalement mercantile que les moins de 250 ans n’ont pas pu connaître. 

Sur le modèle de la  « taxe soda », mise en place en France depuis 2012 sur les boissons sucrées, la nouvelle « taxe sur le sel » répondrait à un enjeu de santé publique : la surconsommation de sel dans les pays développés. Le constat, connu, s’appuie sur les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « La consommation de sel est de l’ordre de 10 à 12g par 24 heures, alors que l’OMS préconise 5g/jour, rappelle le Dr Benoît Lequeux, cardiologue  et responsable de prévention au CHU de Poitiers. Au-delà, chaque gramme supplémentaire accentue le risque de développer des maladies cardio-vasculaires, de l’hypertension, qui concerne un quart de la population, ou d’être victime d’un accident cardio-vasculaire cérébral. »  

Un jambon-beurre, le compte est bon !

« Une baguette de pain contient en moyenne 4g de sel, une tranche de jambon 1g, précise le médecin-cardiologue. Le seuil de 5g/24 heures est donc quasiment atteint avec un classique sandwich jambon-beurre. « Les gens savent qu’il ne faut pas en manger trop, mais ils n’ont pas conscience qu’il est partout, note le Dr Xavier Piguel, chef du service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition du CHU de Poitiers. Il y a une vraie éducation à faire. Déjà, la salière sur la table, cela ne devrait pas exister ! » Peu convaincus par l’effet taxe, les deux médecins préfèrent miser sur la pédagogie et les changements d’habitudes alimentaires des consommateurs.

De pédagogie, la Fédération des artisans boulangers et pâtissiers de la Vienne a également usé, dès 2011, pour inciter les professionnels à modifier leurs recettes, en diminuant les proportions de sel pour arriver à 18g/kg de farine. Aujourd’hui, son président Alain Hayée en appelle à des mesures plus drastiques. « Il faudrait imposer la quantité de sel, ce serait plus porteur. » Brigitte Arnaud-Boué, créatrice et directrice de la fabrique de broyés Goulibeur, ne croit pas davantage aux effets positifs d’une taxe. « Je n’ajoute pas du sel pour une raison X ou Y, j’en mets simplement comme ma grand-mère m’a dit d’en mettre. Il est certain que l’industrie a usé et abusé du sel dans des produits où il n’était pas nécessaire... Mais mettre une taxe, c’est de la non gestion, s’indigne-t-elle, et cela ne répond pas au problème de la malnutrition. Il vaudrait mieux éduquer les gens à manger sainement. » 

 

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