Les pharmaciens gèrent la pénurie

Les ruptures de stocks se multiplient dans les officines. Alors que le nombre de médicaments et vaccins introuvables ne cesse de grandir, les pharmaciens, souvent démunis, tentent de trouver des solutions plus ou moins durables pour leurs patients.

Romain Mudrak

Le7.info

Début juillet, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) rappelait plusieurs lots de traitements contre l’hypertension artérielle à base de valsartan. En cause, la présence d’une « impureté » cancérigène dans une usine chinoise, la seule ou presque qui les fabriquait. Evidemment, la chaîne de production a été stoppée, ce qui a automatiquement provoqué une pénurie à l’échelle mondiale. Aujourd’hui encore, ce principe actif est très compliqué à trouver, comme nous l’ont confirmé plusieurs pharmaciens de la Vienne.

Le valsartan est un exemple parmi d’autres. Sur le marché mondialisé du médicament, les firmes pharmaceutiques concentrent désormais leurs productions dans une poignée d’usines -en Amérique du nord et en Asie essentiellement- et le moindre pépin engendre des ruptures de stocks sur toute la planète. Si on ajoute à cela que la France ne fait plus partie des clients privilégiés des laboratoires depuis que l’Etat a défini des prix d’achat « plafonds », on aboutit à des carences thérapeutiques. Fin octobre, Le Parisien révélait que « le nombre de traitements indisponibles avait atteint un niveau inégalé ». En 2017, l’ANSM a reçu 530 signalements (+33%) pour des médicaments et des vaccins introuvables ou en « tension d’approvisionnement », parmi lesquels le célèbre BCG, des antiépileptiques, la cortisone, des anticancéreux... Aucun risque en revanche pour les vaccins contre la grippe.

Pas de favoritisme
La semaine dernière, le pré- sident de l’Ordre des pharmaciens de Poitou-Charentes, Jean-Marc Glémot, a lui-même recensé trente-huit commandes non livrées dans son officine de Ruffec (Charente). « Ce phénomène n’est pas nouveau mais il s’accroît au fil des années », assure-t-il. En bout de chaîne, les pharmaciens se retrouvent directement confrontés au mécontentement des patients. « Trois jours, trois semaines ou trois mois, il est souvent difficile de leur répondre sur le délai d’attente. J’anticipe la commande quand c’est possible ou j’essaie d’avoir deux-trois boîtes en dépannage auprès d’un collègue, mais nous sommes tous dans la même situation. »

Selon la loi, les trois grossistes de la Vienne sont tenus de respecter « leurs obligations de service public sur tout le territoire de répartition autorisé ». Toutes les pharmacies sont donc logées à la même enseigne. Idem sur les sites Internet autorisés. A Rouillé, Marie-Hélène Tessier avoue être obligée de « mettre des ordonnances en attente ». Pour la présidente du Syndicat des pharmaciens de la Vienne, la pénurie est synonyme de contraintes supplémentaires : « Nous passons beaucoup de temps au téléphone avec les médecins pour adapter avec eux les posologies ou trouver des équivalents. »

Face à l’urgence de la situation, le Collectif Parkinson (sept associations de malades en France) et des neurologues ont été les premiers à lancer une pétition sur Change.org afin de pousser l’Etat à agir. Entre les calculs économiques et le risque sanitaire, reste à savoir quelle logique l’emportera.

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