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Peut-on diffuser un film sur une affaire judiciaire en cours ? Oui, ont estimé les juges en début de semaine dernière, autorisant la sortie en salles de Grâce à Dieu. Dans son dernier long-métrage, François Ozon s’intéresse en effet à l’affaire Preynat qui a vu, courant 2016, un aumônier scout accusé d’attouchements sexuels sur mineurs. Le procès du prêtre n’aura lieu qu’en fin d’année. Mais le réalisateur a souhaité raconter le parcours des victimes, montrer comment la parole s’est peu à peu libérée face à l’omerta glaçante de l’Eglise. D’Alexandre, le premier homme à briser le silence, à François, athée investi, en passant par Emmanuel, aux cicatrices encore palpables.
François Ozon illustre avec beaucoup de sensibilité la souffrance sourde de ces hommes, portée à l’écran par le jeu sobre des acteurs. Il explore les non-dits, les blessures restées trop longtemps enfouies dans l’entourage de chacun ; les doutes aussi, notamment dans le rapport des uns à la foi, à la religion. Très linéaire, le récit n’en demeure pas moins d’une fluidité exemplaire, en mêlant avec audace les formes narratives d’un personnage à l’autre. Le film jouit d’une écriture remarquable de délicatesse et d’une richesse proprement captivante. Prenant le soin de rappeler que le père Preynat et le cardinal Philippe Barbarin -accusé d’avoir couvert les crimes du prêtre- restent présumés innocents, Grâce à Dieu est malgré tout un film politique, qui dénonce sans trop en avoir l’air les omissions de l’Eglise. Le parti pris est évident et le timing de la sortie -peu après le procès de Mgr Barbarin- peut légitimement interroger, dérouter. D’autant que le nom des accusés a été conservé, contrairement aux victimes nommées dans le film. Mais l’objet cinématographique, lui, reste une vraie réussite.
Drame de François Ozon avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud (2h17).
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