L’Eglise en examen de conscience

Le procès de Bernard Preynat à Lyon rappelle que les violences sexuelles commises dans l’Eglise ont constitué une réalité longtemps cachée. En attendant la décision de la justice, l’institution catholique et la Commission Sauvé recueillent la parole des victimes, pour faire toute la lumière sur le sujet. Notamment dans la Vienne.

Steve Henot

Le7.info

Il y a quelques années, Stéphane (*) s’est installé dans l’agglomération de Poitiers, loin de son passé. Le jeune homme a fui sa région natale, où il a subi des violences sexuelles d’un ex-curé, aujourd’hui placé en détention provisoire. Il a témoigné à l’automne dans un reportage télé. « C’est quelqu’un qui est très marqué et a beaucoup souffert », indique Olivier Savignac, lui-même victime d’un ancien prêtre et fondateur de l’association d’aide aux victimes d’abus sexuels dans l’Eglise « Parler et revivre ». « La parole se libère une fois, rarement plus », commente pour sa part l'archevêque Mgr Wintzer.

La prise de conscience de l’Eglise sur le sujet reste relativement récente. Ce n’est qu’à partir de 2016 que la Conférence des évêques de France a engagé des moyens concrets pour lutter contre les crimes et délits sexuels. Notamment en mettant en place des cellules d’accueil et d’écoute. Le diocèse de Poitiers a la sienne depuis l’été 2018. Moins d’une dizaine de personnes -souvent âgées- s’y sont confiées. « Soit il n’y a pas tant de victimes, soit certaines ont tourné la page et ne veulent pas y revenir. Pour d’autres, parler est encore trop dur », avance l’archevêque de Poitiers. « Beaucoup n’ont plus confiance en l’Eglise, ajoute Olivier Savignac, convaincu que d’autres victimes n’ont pas encore pris la parole dans la Vienne. Nous avons eu plein de témoignages autour, en Vendée, dans les Deux-Sèvres et à Limoges. »

Trois affaires connues dans la Vienne

Une commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE), dite Commission Sauvé, a vu le jour en février 2019, pour « mesurer l’ampleur des faits » et « la manière dont ils ont été traités ». Elle a lancé un vaste appel à témoignages, qui a déjà récolté plus de 4 000 retours en l’espace de six mois. 85% émanent de victimes âgées de plus de 50 ans.

La commission s’appuie sur la collaboration des diocèses qui, pour la plupart, lui ont ouvert leurs archives. Dont le diocèse de Poitiers. « On n’y trouve que peu de choses », précise toutefois Mgr Wintzer. Les trois dernières affaires en date remontent aux années 1990. Toutes ont été jugées au tribunal, avec des peines de prison à la clé. « Mgr Rouet a fait ce qu’il fallait à l’époque », se rappelle un fidèle. Il laisse le souvenir d’un religieux en phase avec les préoccupations de la société civile. Aucune affaire n’aurait éclaboussé le diocèse depuis son passage. « Mon rôle est de me questionner sur ma propre institution, comme l’y incite d’ailleurs le Pape, explique Mgr Wintzer. L’important est que les pervers ne fassent plus de victimes. »

« Heureux »
du travail entrepris par la commission -auquel il contribue- Olivier Savignac regrette toutefois que le secret de la confession ne soit pas levé. « C’est l’un des derniers engrenages de la mécanique du silence encore présents dans l’Eglise. » La CIASE rendra ses préconisations publiques au premier semestre 2021. En attendant, elle effectue un tour de France pour présenter ses travaux et recueillir de nouveaux témoignages. Et n’exclut pas de faire escale à Poitiers d’ici la fin de son étude.


(*)Prénom d’emprunt.


Cellule d’accueil et d’écoute du diocèse, mail : paroledevictime@cef.fr
Association Parler et revivre à www.parler-et-revivre.fr, tél. 06 40 95 42 75
CIASE au 01 80 52 33 55 (7 jours sur 7, de 9h à 21h).

À lire aussi ...