L’Ega-conditionnalité comme moteur de sortie de crise

Le Regard de la semaine est signé Elisabeth Morin-Chartier, ancienne députée européenne et membre du Haut Conseil à l'égalité Femme-Homme.

Le7.info

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Le principe d’Ega-conditionnalité, demandé par le Haut Conseil à l’égalité (HCE), lie l’attribution des fonds publics de sortie de crise au respect des règles paritaires ou des actions pour l’égalité hommes-femmes. Le sujet n’est pas du tout anecdotique ! En effet, la crise sanitaire a mis en évidence des inégalités. Regardez combien de femmes ont été et sont pressées de télétravailler pour pouvoir, en même temps, garder les enfants ou veiller sur leur travail. Comment se satisfaire que les femmes, qui représentent 61% des diplômées en Europe, soient en nombre dans les postes à temps partiel, les emplois précaires, les bas salaires ?... Prenons garde ! La fragilisation des femmes dans l’emploi et dans la société est accentuée par la crise sanitaire que nous avons traversée. 

Les fonds publics de sortie de crise, débloqués au niveau national et européen sous forme d’aides, d’investissements ou de prêts, doivent être conditionnés à un effort d’égalité hommes-femmes. Or, les sauvetages sectoriels et thématiques annoncés à ce jour ne prennent pas en compte cette dimension d’égalité des citoyens. Les grands plans soutiennent essentiellement les secteurs les plus masculins : l’aéronautique (15Md€) et l’automobile (8Md€). Mais le secteur des services, très touché aussi, bénéficie simplement d’allégements de charges. Or, les femmes y sont en nombre (84% des employés de l’hôtellerie, 64% des vendeurs en magasin, 57% des serveurs).

Le HCE demande que, secteur par secteur, dispositif par dispositif, les aides publiques apportées comportent une condition de mixité, de parité dans la gouvernance ou d’égalité professionnelle. Cet appel va aussi en direction des banques. Aujourd’hui, la demande de crédit bancaire d’une femme a deux fois plus de risques d’être rejetée que celle d’un homme.  Une femme créatrice de startup a 30% de chance de moins qu’un homme d’être financée par des investisseurs. Au Japon, pour sortir de la grande crise, les politiques de soutien financier ont été fléchées pour que les femmes accèdent pleinement à égalité avec les hommes à la vie professionnelle. Les fonds publics ne doivent donc plus être de simples correctifs, mais être utilisés en amont pour éviter les inégalités. La crise les a mis en évidence. La sortie de crise doit aussi permettre de changer de société. Les leviers publics peuvent largement y contribuer. Veillons-y tous ensemble !

CV express
71 ans. Députée européenne entre 2007-2019, Premier questeur au Parlement européen. Historienne de formation, auteure de la Directive européenne sur les travailleurs détachés et de la lutte contre le harcèlement. Membre du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

J’aime : Mon prochain, l’Europe, la vie de Simone Veil et celle d’Eddy Mitchell, les films de Claude Lelouch, les éclairs au café, faire du vélo.

Je n’aime pas : Le racisme, la violence, l’injustice, les halls de gare et les avions en retard.

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