Club de Bridge, le fond et la forme

Chaque été, le Confort moderne reçoit dans ses locaux des artistes en résidence. Le Poitevin Club de Bridge s’y est installé au début du mois, à l’invitation du lieu, pour développer son art mêlant dessin et réflexion autour du militantisme.

Steve Henot

Le7.info

Seul au beau milieu de cette vaste salle, caché derrière les murs de la salle d'exposition, il se sentirait presque perdu. « C'est assez incroyable tout cet espace, car je n'ai besoin que d'une feuille et d'un stylo en soi », sourit le jeune dessinateur. Club de Bridge -c'est son pseudonyme- est en résidence d'artiste au Confort moderne depuis le début du mois de juillet, et pour encore quelques jours. Lui qui dit avoir « toujours un peu gribouillé » dans son coin goûte forcément cette opportunité, une première. « C'est une chance extraordinaire d'être là, de mettre les mains dans le cambouis, de pouvoir rencontrer d'autres artistes... »

Le dessin est fin, fait uniquement de noir et de blanc et toujours accompagné d’un texte, tantôt poétique tantôt philosophique. Jusqu’ici, l’ancien saxophoniste du groupe de pop-folk poitevin Kokopeli se contentait de partager ses créations sur la toile. « A la base, je dessine pour faire rire mes potes. » La donne a quelque peu changé au gré de son parcours universitaire, où le dessin est devenu une véritable « façon de s’exprimer ». Au sortir d’un Master en Sciences politiques validé entre Poitiers et Lille, le Poitevin de 25 ans s'est lancé dans une licence 3 Esthétique et sciences de l'art à la Sorbonne avant de faire deux années à l'école des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris. « Le but, c'était de faire de la recherche et d'enseigner, dit-il. Mais aujourd'hui, j'ai envie de transmettre mes dessins, avec cette technique visuelle qui essaye de développer un message politique, une critique du système. C'est une manière de renouveler le discours militant. »

Il détourne l’image des Black Blocs

Donner du sens est son credo, il ne s'imagine pas travailler la forme sans le fond. C'est d'ailleurs pourquoi Club de Bridge rejette l’étiquette d'illustrateur. « Je déteste ce terme qui, pour moi, délie l'image du texte. Ma pratique, c'est justement de lier la théorie et le visuel. Et c'est aussi la forme qui m'amène parfois à revoir mon discours. » Eveillé au militantisme durant ses années d’études à Poitiers, très sensible à la cause LGBTQ+, il travaille actuellement à modifier « l'image » des actions militantes radicales, notamment les Black blocs. Explorant par là une autre voie -plus inclusive- du paysage militant. « J'essaie de les rendre moins virils en intégrant des éléments féminins comme des talons hauts ou, par exemple, en détournant le titre Hit Me Baby One More Time, de l'icône gay Britney Spears (qui devient Hit Them Baby One More Time en dessin, ndlr). »

Cette démarche, engagée, a rencontré un certain écho sur les réseaux sociaux durant le confinement. Au point de taper dans l'oeil des équipes du Confort moderne, qui ont alors contacté le jeune artiste. « J'ai exprimé mes réflexions théoriques sur Instagram où, en l'espace de quelques semaines, mon compte est passé d'une petite centaine d'abonnés à plus de 2 000. J'ai pu constater que l'entre soi militant y était très fort, que les gens republient vachement sur ces réseaux. » Désormais c'est sur papier que se développent les messages de Club de Bridge, des productions graphiques destinées à alimenter la Fanzinothèque et l'atelier de sérigraphie. Voilà de quoi lui donner quelques idées pour la suite. « J'espère un jour pouvoir vivre de mon art. »

 

 

DR - Paul Pichot

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