Marché immobilier : de l’euphorie à l’inquiétude

Le marché de l’immobilier dans la Vienne a connu un boom sans précédent après le premier confinement. Aujourd’hui, de fortes inquiétudes ressurgissent. Etat des lieux avec Benjamin de Tugny, président de la chambre Charente-Vienne-Deux-Sèvres de la Fnaim.

Claire Brugier

Le7.info

Comment s’est comporté le marché immobilier pendant la période d’entre-deux confinements ?


« Pour 80 à 90% des acteurs de l’immobilier, le nombre des transactions a augmenté de façon spectaculaire. Entre mai et septembre, nous avons largement gommé les deux mois et demi précédents d’inactivité. Globalement, le marché est resté très rationnel. Il y a eu une hausse des ventes, pas des prix. Les taux sont toujours bas, mais les conditions d’accession au crédit se sont durcies (lire p.9). Certains marchés sont en saturation de produits comme Poitiers, ce qui bénéficie à Châtellerault. Avant, on ne voyait pas de Poitevins y investir ! On déstocke et on vend à nouveau dans des secteurs boudés ces dernières années, comme la campagne, les villages… Le marché des résidences secondaires est reparti. Le confinement a boosté des projets que les gens remettaient à plus tard.  »


Le désintérêt des grandes villes se confirmerait donc…

« Nous avons beaucoup travaillé avec une clientèle locale mais aussi avec des habitants de grandes agglomérations. Ils étaient en recherche de résidence secondaire mais aussi principale -un effet de la LGV, du télétravail…- et ont passé le cap de l’envie pour réaliser leur projet. Angoulême a bénéficié à plein de ce phénomène. Je pense qu’il va continuer à s’accélérer au détriment des grosses agglomérations qui, ces dernières années, ont connu une augmentation de leur population et des prix. La décentralisation que l’Etat n’a pas réussi à faire, la Covid la fait… »


Sur ces entrefaites est arrivé le deuxième confinement…

« Sur les deux premières semaines, le marché est resté dans la dynamique de l’entre-deux confinements. Nous avons pu travailler sur les dossiers des personnes qui avaient déjà visité un bien et en étaient au stade des négociations. Parallèlement, nous avons continué à gérer nos dossiers de location, notamment la rédaction d’actes pour l’entrée ou la sortie des locataires. Et pour ceux qui travaillent avec une clientèle de professionnels, la visite de bureaux ou locaux commerciaux reste autorisée. »


Comment pressentez-vous les semaines à venir ?

« Le fait de ne pas pouvoir faire visiter les biens crée une grosse inquiétude, surtout par rapport à la distorsion de concurrence. Nous avons des remontées de terrain concernant des « visites sauvages », menées par des mandataires ou de particulier à particulier. Or, dans notre profession, nous sommes payés au résultat. Il faut que la même règle s’applique à tout le monde. Nous l’avons signalé à la ministre du Logement. Nous lui avons aussi demandé que soient autorisées les visites de biens vides. Des clients ont vraiment besoin de trouver un bien parce qu’ils ont vendu et qu’ils ont trois mois pour retrouver un logement, lors d’une séparation… »


Le numérique a-t-il un rôle à jouer pendant cette période ?

« Les visites virtuelles sont largement généralisées aujourd’hui. Mais autant sur une location les personnes sont capables de se prononcer, autant sur une transaction la vidéo sert d’appel, elle ne mène pas à la signature d’un compromis. Pour un achat, on serait même, à mon avis, dans une problématique de défaut de conseil. »

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