Gérer la crise, une stratégie à la petite semaine

Le Regard de la semaine 100% virtuel est signé Olivier Pouvreau, bibliothécaire de profession et entomologiste/photographe à ses heures.

Le7.info

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Ce 28 octobre, j’écoutais Emmanuel Macron nous reparler de confinement national. De nouveau, cette allocution appelait à davantage contrôler nos modes de vie, nos gestes quotidiens. Elle venait poursuivre l’arsenal de préconisations et d’injonctions nous incitant à nous adapter à la crise sanitaire. En revanche, du côté des causes de la pandémie, pas un mot. Aussi important était-il, le propos se bornait à nous sommer d’œuvrer pour continuer de « gérer la crise », non pour appeler collectivement et pragmatiquement à prévenir de futures zoonoses pandémiques. Nous savons pourtant que celles-ci sont causées par des promiscuités entre l’homme et les animaux sauvages dues à la destruction des forêts tropicales (élevage intensif et cultures pour nourrir le bétail, extractions de minerais pour équiper nos appareils high-tech…) et au trafic animal (viande de brousse…) puis mondialisées via l’intensité et la globalisation de nos échanges et transports. Probablement qu’un discours avec des valeurs telles que la sobriété dans nos manières de consommer et de nous déplacer aurait esquissé une projection politique tant pertinente qu’inscrite dans le long terme, non dans la seule « gestion ». Dit autrement, s’adapter à la crise vaut moins que de s’adapter contre ses conditions d’émergence.

De fait, on pouvait trouver dissonant le Président affirmer que nous nous relèverons de cette crise en tant que « Nation unie et solidaire. » Car il s’agit en effet d’une crise, non d’un projet collectif : comment pourrait-on « faire Nation » en appelant le peuple à « gérer » à la petite semaine les conséquences d’une pandémie ? Je pensais naïvement qu’une Nation se constituait sur la durée par des valeurs faisant sens commun, des combats de fond. Non, rien. Nous glissons de crise en crise sans jamais véritablement attaquer nos maux radicalement, c’est-à-dire « à la racine. » Sans doute parce que des racines, il y en a beaucoup et qu’elles sont ancrées dans un entrelacs global et verrouilleur qu’on appelle néolibéral. Ce système, en effet, ne peut lui-même être remis en cause par les acteurs qu’il favorise et qui ont le pouvoir. Et c’est parce que le néolibéralisme entretient une certaine inertie sociale et économique qu’une politique prônant davantage de sobriété a peu de chances d’advenir. 

A petite échelle, en tant qu’individu, je me sens coupé par ce paradoxe qui consiste à vouloir tenter de contrer ce système qui ne cesse pas de me récupérer. Un exemple simple suffira : la tablette qui me sert à écouter le Président me demandant de « gérer » la zoonose contient du coltan dont l’extraction participe de l’apparition des zoonoses. A cette réalité absurde, l’indémodable morale de Bossuet va bien : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

 

CV express

Bibliothécaire de profession et entomologiste/photographe à mes heures. Ma vie oscille entre les pages d’un livre et les ailes d’un papillon. Je me reconnais dans la préface du naturalise Aldo Léopold dans son ouvrage Almanach d’un comté des sables : « Il y a des gens qui peuvent se passer des êtres sauvages et d’autres qui ne le peuvent pas. Ces essais sont les délices et les dilemmes de quelqu’un qui ne le peut pas. »

J’aime : l’individualisme s’il est critique, la bienveillance, la richesse des formes dans la nature, les vieilles pierres et les arbres vénérables, travailler le bois, la créativité musicale, le bokeh en photographie. 

J’aime pas : le langage managérial, la communication d’ambiance, le manque de curiosité, l’absence d’empathie, les personnalités « toutes façades dehors », les connivences politiciennes, l’attitude culturo-mondaine, les stéréotypes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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