Migrants : « une politique de découragement »

Dans la Vienne, de plus en plus de familles étrangères et de « mijeurs » auraient reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) au cours des derniers mois. Une situation qui interpelle les associations et collectifs venant en aide aux migrants.

Steve Henot

Le7.info

Depuis plusieurs années, la famille Beniaminyan multiplie les demandes de titre de séjour. Installée en France depuis sept ans et à Poitiers depuis deux ans, elle a reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) en mai, au sortir du confinement. Décision confirmée par le tribunal administratif en novembre. Le 
16 décembre, un collectif d’amis, de voisins et de bénévoles s’est rassemblé sur le parvis de la préfecture pour dénoncer cette mesure. « Un déni de droit, s’insurge Christine Daugé, membre du Réseau éducation sans frontière (RESF). Il leur est reproché de ne pas travailler... Comment le pourraient-ils sans titre de séjour ? »


Les Beniaminyan ne seraient pas un cas isolé dans la Vienne. D’autres familles en situation irrégulière sont concernées, mais aussi beaucoup de « mijeurs », ces jeunes migrants sans papiers qui ne peuvent prouver leur âge. Poseur de fibre optique en CDD, ce Camerounais de 20 ans -arrivé en France il y a trois ans- a, lui, perdu son emploi après réception d’une OQTF, fin décembre. Les associations d’aide aux migrants ne manquent pas d’exemples. Près d’une quinzaine à Min’de rien, à peine moins au RESF… Le sentiment d’une hausse des OQTF est prégnant, bien que difficile à quantifier. « On se demande si la préfecture reçoit des ordres en ce sens, s’il y a du chiffre à faire, s’interroge Christine Daugé. Peut-être aussi qu’on est plus sollicité… » 


« On leur barre la route »

Contactée, la préfecture de la Vienne se borne à dire que « les dossiers sont examinés avec la plus grande attention dans le cadre de l’application des textes réglementaires en vigueur sur le droit au séjour ». Les autorités ne donnent en revanche aucun chiffre. Pour Hélène Stevens, « on a au contraire le sentiment que les dossiers ont été mal traités ». Cette membre active du collectif de soutien des Beniaminyan met en avant la bonne intégration sociale de la famille, la scolarisation des enfants nés en France… Après le rassemblement du
16 décembre, l’administration a accepté de réexaminer la situation des Beniaminyan, les invitant à déposer une nouvelle demande de titre de séjour. « C’est positif, mais on reste prudent, confie Hélène Stevens. On sait que ces demandes ont un délai de traitement très long, ce qui signifie que la famille va rester dans la précarité pendant encore un à deux ans et aussi dans une forme d’illégalité. »


Certains étrangers en situation irrégulière ont vu leur OQTF assortie d’une interdiction de retour sur le territoire (IRTF). Ils n’ont alors que 48 heures pour faire appel de la décision, contre un mois de délai pour une OQTF simple. Là aussi, leur nombre aurait augmenté ces derniers mois. « Certaines sont remises seulement le vendredi après-midi », observe Chantal Bernard, co-présidente de Min’de rien. Et la dématérialisation des démarches reste un obstacle. « Tout est fait pour rendre l’accès à leurs droits le plus difficile possible », déplore Martine Massé, bénévole à La Cimade. Chantal Bernard parle carrément d’« une politique de découragement ». Un rassemblement « pour un accueil digne des migrants » est prévu mercredi, sur le parvis de Notre-Dame-la-Grande, à l’initiative du Cercle du silence. D’autres devraient suivre dans les prochaines semaines.

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