Ethique et confiance

Le Regard de la semaine est signé Cheikh Diaby.

Le7.info

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A la faveur de l’irruption des partisans de Donald Trump au Capitole, le 6 janvier dernier, j’entends ici et là que la démocratie américaine, l’une des plus vieilles au monde, est à bout de souffle. C’est aller un peu vite en besogne. À ce catastrophisme, il faut opposer les raisons d’espérer. Me revient à l’esprit cette phrase du poète allemand Hölderin : « Là ou croît le péril, croît aussi ce qui sauve ». Le premier motif de satisfaction est que, malgré quatre années de présidence dysfonctionnelle et démagogique, le système démocratique a tenu. Les instances de validation et de certification des résultats ont fonctionné. 


L’autre motif de satisfaction, c’est l’attitude civique qui a prévalu au niveau local et la mobilisation exceptionnelle des Américains. Parmi eux, Aaron Van Langevelde. Avocat de 40 ans et militant républicain dans le Michigan, il est l’un des quatre membres (deux républicains et deux démocrates) de la commission électorale qui était censée certifier le résultat dans cet État. Comme dans tous les États décisifs, la pression était énorme. Un ordre parti de la Maison Blanche demandait au camp républicain du Michigan de suspendre le processus pour mieux alimenter la machine à soupçon sur la régularité du scrutin. Aaron Van Langevelde, tout militant républicain qu’il est, a laissé de côté l’esprit de faction pour valider courageusement les résultats avec ses deux collègues démocrates. 

L’autre héros de cette séquence électorale est le secrétaire d’Etat de Géorgie. Le Washington Post a révélé comment, durant plus d’une heure, il a échangé avec le président sortant, qui lui demandait de lui « trouver 11 780 voix » afin d’inverser le résultat sorti des urnes dans son État. Ni Aaron Van Langevelde, dans le Michigan, ni Brad Raffensperger, en Géorgie, n’ont cédé à la menace présidentielle. Bien avant l’épisode du 6 janvier au Capitole, ce refus de subir les pressions indues est ce qui a fait basculer le suspense. L’obstination du président sortant à contester sa défaite, son entêtement à vivre dans un monde parallèle confirment toute la pertinence des craintes nourries par son élection en 2016. Le danger populiste, c’est précisément cette rupture sur les règles du jeu, une fois qu’elles ont servi à conquérir le pouvoir.

Dans ces jours sombres pour la démocratie américaine, l’histoire retiendra que ce n’est ni la rue, ni un cador du Sénat, ni un haut gradé de l’armée, qui ont permis de tenir la digue. C’est la vie démocratique à son échelon le plus proche du terrain et dans son fonctionnement ordinaire. La preuve est faite que la tenue du système démocratique est l’affaire de tous. Il faut s’en souvenir de ce côté-ci de l’Atlantique car la fragmentation, la polarisation, la violence, la désinformation n’infusent pas que dans la société américaine. Ce que Van Langevelde et Raffensperger ont incarné, c’est l’éthique et la confiance. Deux valeurs qui sont notre meilleur rempart contre le populisme qui mine nos démocraties.

CV express
52 ans. Marié. Gestionnaire d’indemnisation assurances dans une mutuelle, en cohérence avec les valeurs de solidarité et de fraternité. Responsable départemental de l’association SOS Racisme, membre permanent du bureau national. Soucieux des autres et très attaché aux valeurs de la République.

J’aime : les gens bienveillants, la diversité, la lecture, les repas entre amis, la lecture et la marche à pied.

J'aime pas : la violence, le manque de respect, le cynisme et l’hypocrisie. 

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