L’inceste au grand jour

Dans la foulée de la sortie du livre de Camille Kouchner, La Familia grande, la parole des victimes d’inceste se libère, notamment sur les réseaux sociaux. La Vienne n’échappe pas à la déflagration.

Arnault Varanne

Le7.info

Et soudain, elle a compris. En quelques secondes, la vie de Jacqueline a basculé en 2015, au moment où elle a assisté à une conférence de l’association Stop aux violences sexuelles. « L’intervenante expliquait comment elle était arrivée à faire la corrélation entre le viol de fillettes et les traces indélébiles laissées sur leurs corps. C’est mon histoire que ce médecin était en train de raconter ! » Atteinte d’une maladie auto-immune de la thyroïde depuis une quinzaine d’années, la Poitevine a été victime de ce que le corps médical appelle une amnésie post-traumatique. « Des flashs me sont revenus, je me suis résolue à suivre une thérapie. »

Comme elle, comme « Victor » Kouchner aussi, dont la sortie du livre de sa sœur Camille Kouchner, La Familia grande, a provoqué un tsunami, des millions d’enfants seraient ou auraient été victimes de violences sexuelles. Un(e) Français(e) sur dix même selon la dernière enquête de l’institut Ipsos. Vertigineux. Alors il faut parler, en parler. « En ce sens, je suis contente pour « Victor », sa sœur a libéré sa parole et c’est très chouette. D’ailleurs, il a même fini par porter plainte », commente Gwendoline Grabowski. Elle a déposé une plainte en décembre 2019, contre celui qui l’a abusée entre ses 8 et 11 ans, dans le huis clos de la maison familiale.

« Le silence est l’arme du prédateur »

Le Parquet de Poitiers s’est dessaisi de l’affaire pour la transférer vers l’Ariège. « Les gendarmes ont récemment fait des photos dans la maison. On attend que mon agresseur soit mis en garde à vue. C’est assez long, je suis frustrée par le délai d’instruction », reconnaît Gwendoline, victime, comme Jacqueline, d’amnésie post-traumatique. « Chez moi, ça s’est manifesté par de l’obésité morbide... » Au-delà de la thérapie EMDR(*), suivie à Laborit, elle a créé avec son mari l’association Enfance v(i)olée pour aider les autres. A ce jour, cinq femmes ont adhéré. Deux ont fait une amnésie post-traumatique, une « se souvient de tout » et une mère de famille vole au secours de ses enfants. « On a mis en place un groupe de parole en septembre 2020, mais avec la Covid, on échange plus par mail ou par téléphone. »

Parler. Se reconstruire. Se faire justice aussi. Sur Twitter, le hashtag #meetooinceste charrie des milliers d’histoires. Au point que la peur change de camp ? « L’affaire Duhamel est symbolique à beaucoup d’égards, estime le Professeur Ludovic Gicquel, chef du Pôle universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CH Laborit. L’agresseur présumé semblait intouchable et il a pourtant tout perdu, sa superbe, son pouvoir et sa réputation. Le tribunal médiatique s’est substitué à la prescription du tribunal judiciaire. Le silence est l’arme du prédateur. Le message qui est envoyé aujourd’hui, c’est une sorte d’autorisation à parler. » Le Pr Gicquel va plus loin et n’hésite pas à dire que l’inceste est « un crime développemental, dont les conséquences sont épouvantables sur la structuration de l’individu ». Raison de plus pour sensibiliser tous ceux qui sont aujourd’hui au contact d’enfants. « Si on pose des questions, on obtient des réponses... »

Plus d’infos sur l’association Enfance v(i)olée sur le site enfanceviolee.fr ou par courriel à contact@enfanceviolee.fr.

(*)Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.

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