Biodiversité : semons des fleurs, pas des ruches !

Le Regard de la semaine est signé Olivier Pouvreau.

Le7.info

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Pourquoi les abeilles sont-elles essentielles à nos vies ? Parce que la plupart des espèces de plantes cultivées dans le monde (pommes, courges, café…) dépendent principalement de leur pollinisation. En d’autres termes, savourer fruits et légumes et être en bonne santé procède de leur harassant travail de butinage. Cette réalité, trop souvent méconnue, est suffisamment importante pour que l’on s’occupe de la raréfaction des abeilles comme d’un risque pour le bien-être humain. Le problème est qu’en la matière, on nage en pleine irrationalité. D’abord parce que les abeilles subissent nos propres agressions : pesticides, banalisation des paysages, fragmentation des milieux, réchauffement climatique… Ensuite parce qu’on ignore leur diversité. En effet, tel un mythe dans le langage commun, évoquer les abeilles revient à faire référence à une unique espèce, l’abeille domestique (Apis mellifera). Sympathique, nourricière, fragile et mal en point -en un mot : populaire-, on dégaine son nom tel un couteau suisse dans les discours médiatiques, institutionnels ou associatifs au nom de la dégradation du vivant. Il existe pourtant 1 000 autres espèces d’abeilles en France. Quelles sont-elles ? Celles que l’on appelle « abeilles sauvages », un monde méconnu, compliqué, hétéroclite, furtif, subissant les mêmes nuisances que sa consœur domestique. Ignorant cette complexité, le citoyen éco-responsable (élu, particulier…) préférera installer des ruches pour « sauver la biodiversité ». Résultat : plusieurs études ont démontré l’existence d’une concurrence forte de l’abeille domestique envers les abeilles sauvages sur l’activité de butinage, alors que ces dernières sont des pollinisatrices essentielles à la reproduction végétale. 

Donnons quelques chiffres : une seule ruche compte 50 000 abeilles domestiques et il n’est pas rare d’implanter 20 ruches au même endroit, ce qui revient à 1 million d’abeilles par rucher… Installer des ruches pour « améliorer la biodiversité » relève donc d’une « fausse bonne idée ». Nicolas Vereecken, spécialiste des abeilles, a cette comparaison édifiante sur la « monoculture » de l’abeille domestique : installer des ruches ici et là pour sauver les abeilles reviendrait à vouloir sauver les oiseaux des champs en multipliant les poulaillers. Or, il ne viendrait à l’idée de personne d’ériger la poule en icône de la biodiversité. Alors quoi ? Plutôt que de répandre des ruches, semons et plantons des fleurs (locales si possible) : une manière de s’adresser à la grande communauté des pollinisateurs (abeilles, papillons, mouches, coléoptères…), au plus près du réel, loin des mythes de la biodiversité et de la communication verte d’ambiance. 

CV express

Bibliothécaire de profession et entomologiste/photographe à mes heures. Ma vie oscille entre les pages d’un livre et les ailes d’un papillon. Je me reconnais dans la préface du naturaliste Aldo Léopold dans son ouvrage Almanach d’un comté des sables : « Il y a des gens qui peuvent se passer des êtres sauvages et d’autres qui ne le peuvent pas. Ces essais sont les délices et les dilemmes de quelqu’un qui ne le peut pas. »

J’aime : l’individualisme s’il est critique, la bienveillance, la richesse des formes dans la nature, les vieilles pierres et les arbres vénérables, travailler le bois, la créativité musicale, le bokeh en photographie. 

J’aime pas : le langage managérial, la communication d’ambiance, le manque de curiosité, l’absence d’empathie, les personnalités « toutes façades dehors », les connivences politiciennes, l’attitude culturo-mondaine, les stéréotypes.

 

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