IoT, un « écosystème »
 en chantier

Enseignant-chercheur membre du laboratoire X-Lim à Poitiers et ancien directeur du master Objets connectés, Christian Chatellier revient sur les enjeux de l’Internet des objets (IoT).

Romain Mudrak

Le7.info

Comment définissez-vous l’IoT (l’Internet des objets) ?

« Il s’agit d’un écosystème constitué d’objets connectés qui intègrent des capteurs complexes, tels qu’un téléphone portable, ou simples comme un capteur de température isolé quelque part. Ces objets transmettent des informations à un réseau. En résumé, on a trois mots-clés dans un écosystème IoT : capter, transmettre et analyser l’information. L’analyse est faite soit par l’usager qui baisse le chauffage quand il voit que la température augmente par exemple, soit par une intelligence artificielle qui réagit en fonction du gradient choisi. Tout l’enjeu consiste ensuite à ce qu’une hétérogénéité de capteurs fabriqués par de multiples constructeurs puisse s’insérer dans cet écosystème. »

Justement, la Commission européenne pointe dans un rapport le manque d’interopérabilité des objets connectés, notamment vis-à-vis des assistants vocaux, qui entraîne la mainmise sur le marché de certaines entreprises comme Apple, Amazon ou Google. Expliquez-nous…

« Cette problématique d’interopérabilité n’est pas nouvelle. Dans ce domaine, le Graal serait de rendre l’ensemble des appareils connectables, quel que soit le constructeur. Exemple, si vous achetez un détecteur de présence SFR, une ampoule Philips, tout cela devrait pouvoir se connecter à une box Orange. Aujourd’hui, on arrive à un besoin de normalisation pour que le consommateur puisse acheter tout ce qu’il veut et que les fabricants vendent plus largement. Comme pour le format Jpeg, chaque constructeur cherche à généraliser son protocole de transmission. Pour lui, ce serait le jackpot. »

Comment les objets communiquent-ils les uns avec les autres ?

« Les objets connectés utilisent les fréquences libres ISM, des ondes radios qui ne sont employées ni par l’armée, ni par l’aviation, le Samu… Dans la bande du 2,4Ghz, on trouve le Wifi, le bluetooth et même le micro-ondes de la cuisine. Mais en domotique, des fabricants adoptent aussi le 868Mhz qui permet d’émettre plus loin. Problème, des objets peuvent utiliser une fréquence identique mais pas le même protocole de transmission. C’est comme parler une langue étrangère. Un consortium de grands acteurs du marché de l’IoT tente actuellement d’imposer le protocole Matter. Arrivera-t-on à une norme internationale ? Ce n’est pas sûr ! »

Que deviennent nos données personnelles collectées par les capteurs et les assistants vocaux ?

« Ce n’est pas ma spécialité. D’une manière générale, les données obéissent à la réglementation du pays qui les héberge. Si vous avez une Google home, les serveurs dépendent de la législation américaine. En résumé, Google en fait ce qu’il veut. En France, la Réglementation générale sur la protection des données (RGPD) fixe un cadre plus strict. Mais il faut savoir que l’enjeu pour tous les acteurs de l’IoT, c’est de récupérer de la donnée pour analyser votre comportement. »

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