Les migrations d’Albert

La rédaction du 7 consacre une série aux Poitevins expatriés dont le parcours professionnel et personnel sort de l’ordinaire mais aussi aux étrangers ayant jeté l’ancre dans la Vienne. Rencontre avec Albert Sauermann, un Texan qui fait une escale de quelques mois à Poitiers.

Claire Brugier

Le7.info

Racontez-nous 
votre enfance ?

« Je suis né à Dallas, au Texas. J’y suis resté de l’âge de 
2 semaines à mes 18 ans. J’ai grandi dans une famille très traditionnelle, stable. C’est peut-être pour cela que je n’ai jamais eu peur de tomber dans la précarité. Cela m’a donné confiance pour me jeter dans la vie. »

Petit, vous rêviez à quoi ?

« A 17 ans, au lycée, j’ai participé à un échange avec le Japon. J’ai cru que j’allais apprendre le japonais mais je me suis rapidement rendu compte que ce ne serait pas le cas. J’avais une amie au Paraguay avec qui j’échangeais beaucoup. Je crois que je me suis dit qu’apprendre l’espagnol serait plus facile. »

Quelles études 
avez-vous faites ?

« J’ai étudié l’espagnol à l’université d’Austin. Puis j’ai essayé d’exercer en tant que professeur mais c’est difficile de gérer un cours avec des adolescents peu motivés... Après cet échec, je suis allé à New York. J’ai commencé à travailler dans le social, dans une clinique de santé publique. Comme j’avais bien aimé, j’ai accepté un poste dans un quartier habité par une majorité d’immigrés hispanophones. J’allais discuter dans les familles. Les immigrés doivent faire face à beaucoup d’obstacles simultanément. J’étais là pour les aider, tant sur le plan émotionnel que pratique. Après cette expérience, j’ai repris à New York un master spécialisé dans la santé émotionnelle, ce qui m’a permis, au bout de trois ans, de devenir psychothérapeute. J’ai travaillé pendant plus de vingt ans dans un centre communautaire. Les questions émotionnelles et existentielles m’intéressent tout particulièrement. Avec les immigrés, ces questions sont amplifiées mais elles sont universelles. »

Un tournant 
dans cette carrière ?


« Je suis retourné au Texas accompagner la fin de vie de mes parents, pendant deux ans. Puis je me suis demandé : qu’est-ce que tu fais ici ? Mes enfants étaient grands, mes parents étaient morts, j’étais déparé depuis 1992… Il y a quatre ans, je me suis mis à voyager, en Argentine, au Brésil, au Nicaragua… Et me voici ici. Sciences Po Poitiers proposait une spécialité Amérique latine et il me paraissait intéressant de mieux comprendre l’environnement et les circonstances qui poussent les immigrés à émigrer. »

Que retiendrez-vous de votre séjour dans la Vienne ?

« Depuis mon arrivée, je suis resté sur Poitiers. Pour moi, voyager, ce n’est pas visiter des églises. Je ne voyage pas non plus pour la nourriture, même si c’est un grand thème de conversation en France (ndlr, il lève les yeux au ciel), ni pour la mode (sourire). Je veux aller à la rencontre des gens mais c’est compliqué. Heureusement j’ai découvert Carithéâtre, une association théâtrale et caritative de Sciences Po, Cord’âges... Et puis le vélo m’a permis de sortir le long de la Boivre, du côté de Vouneuil-sous-Biard. Je suis fan du programme de vélos publics ! »

Et après ?

« J’ai 57 ans. Toutes mes affaires sur terre logent dans deux grandes valises. Après Poitiers, je vais aller dans une ville située sur la frontière mexicaine, El Paso. Cela peut être une bonne façon de combiner deux de mes centres d’intérêt, l’Amérique latine et la santé émotionnelle, d’autant que la pandémie a permis de développer les thérapies à distance. »

REPERES

Pourquoi lui ?

Texan d’origine, Albert Sauermann est une sorte d’oiseau migrateur familier de l’Amérique latine, qui a fait une étape d’un trimestre à Sciences Po, à Poitiers où il est arrivé le 17 août. Thérapeute de profession, il a essentiellement travaillé dans le social auprès de populations immigrées, notamment les communautés hispanophones du sud des Etats-Unis. Soucieux de créer des liens, il a découvert avec plaisir les ateliers Cord’âges, à Poitiers, ainsi que la nature environnante.

Votre âge ?
« 57 ans. »

Un défaut ?
« C’est l’un des côtés d’une même pièce : je manque de concentration, ce qui me permet par ailleurs d’être ouvert sur tout ce qui peut arriver. »

Une qualité ?
« L’authenticité. »

Un livre de chevet ?
« Histoire de la civilisation de Will Durant. Ce philosophe et écrivain a consacré toute sa vie à écrire des livres d’histoire, il en a fait trente-deux tomes ! Actuellement, je lis Les Bienveillantes de Jonathan Littell. En français, c’est un défi mais… »

Une devise ? 
« Etre en accord avec soi-même. »

 

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