Observer et apprendre à être curieux

Le Regard de la semaine est signé Paul Dequidt.

Le flot quotidien est assez routinier et abrutissant. On dit que dans nos sociétés, un être humain est exposé à des milliers de messages publicitaires par jour. Des affiches, de la lumière, des noms de marques… De notre nourriture au plus simple stylo, nous sommes assaillis de ces informations dont nous n’avons même plus conscience. Tout simplement, on n’y prête plus attention. On filtre et, un peu comme un mécanisme de défense, on se rend volontairement aveugle à notre environnement. 

En retour, les publicitaires ou les médias cherchent de plus en plus à nous attraper de l’intérieur, par les émotions. Nos envies, nos pulsions, sont activées par la voiture brillante, le burger dégoulinant ou la dernière polémique venue nous piquer et nous indigner. En somme, dans ce monde-là, l’humain est un bout de nerf entouré de viande qu’il faut électriser correctement, et ce ne serait qu’une question technique.

Je veux sortir de ça. Apprendre à trier le pertinent et le parasite, c’est une forme d’émancipation. J’ai une quantité d’énergie limitée et si je dois m’intéresser à quelque chose, je veux pouvoir le choisir ! Que les émotions qui sont provoquées en moi viennent d’un contenu naturel plutôt que factice ! Et, pour moi, c’est là qu’interviennent l’observation et la curiosité. Car la curiosité permet de sortir de sa bulle d’une manière authentique et personnelle : nous n’allons pas nous intéresser aux mêmes choses. Et l’observation, quant à elle, est la méthode qui provoque les moments de curiosité. 

Je vous donne un exemple très simple qui m’est arrivé il y a quelques jours. Soudainement, dans un jardin, en voyant un pissenlit, je me suis rendu compte que je n’avais jamais observé d’étape intermédiaire entre la fleur jaune et la boule de graines à souffler. De cette observation émerge un moment de curiosité avec une question : à quoi ressemble l’étape intermédiaire ? Et dans les jours qui ont suivi, c’était devenu un véritable jeu. Tout le long de mon enquête, je faisais entrer dans ma bulle d’attention les pissenlits que je croisais et chacun d’entre eux -anodin jusqu’alors- devenait une source d’amusement, de plaisir ! Ces pics de curiosité sont des instants vivants et précieux, dont les sujets varient d’une personne à l’autre. Et vous savez quoi ? Bonne nouvelle : l’observation, ça se travaille. Vous ne le savez pas encore, mais vous êtes entourés de choses étranges qui n’attendent que d’être regardées. Ouvrez l’œil !

CV express 
Docteur en Traitement du signal, une discipline entre la physique et l’informatique. J’ai travaillé sur l’étude de tumeurs cérébrales par intelligence artificielle. Passionné de neurosciences et de psychologie, j’aimerais que mes recherches permettent de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. En 2021, j’ai remporté le concours national « Ma thèse en 180 secondes ». Un aboutissement pour moi qui ai beaucoup travaillé la communication !

J’aime : les sciences (dures et sociales), la rhétorique, la politique, les blagues, les couleurs vives et la tarte au citron.

J'aime pas : les mensonges, les façades, le climatoscepticisme ordinaire, l’individualisme et les bananes.