Esigelec, les raisons de la discorde

L’Esigelec de Rouen va-t-elle pouvoir ouvrir une antenne à Poitiers ? 
La Commission du titre d’ingénieur devrait trancher la semaine prochaine. En attendant, le projet soutenu par les collectivités locales suscite des inquiétudes du côté de l’université.

Romain Mudrak

Le7.info

Rappel du projet

L’Esigelec, école d’ingénieurs privée reconnue de l’agglomération rouennaise créée il y a 120 ans, souhaite ouvrir une antenne sur la Technopole du Futuroscope en septembre 2023. Comme nous l’annoncions en exclusivité en décembre dernier, l’objectif consiste à former en apprentissage une centaine d’étudiants par an dans le domaine du numérique industriel (Le 7 n°546). Cette installation est soumise à la décision de la Commission du titre d’ingénieur. Réunis le 15 juin, les sages de la CTI se sont finalement donné jusqu’à la fin du mois pour autoriser ou non l’Esigelec à délivrer le précieux diplôme.

« Concurrence directe »


Dans nos colonnes, le directeur de l’Esigelec expliquait vouloir travailler « en complémentarité avec les établissements du territoire ». Problème, le conseil plénier de la faculté de Sciences fondamentales appliquées (SFA) de Poitiers a voté en mai une motion hostile au nouveau venu dénonçant un « manque de concertation ». Le projet a évolué depuis six mois. Tout le volet énergie qui gênait l’Ensi Poitiers a été écarté. En revanche, cinq parcours de master dans des domaines tels que la programmation des objets connectés, le traitement des données, la conception de logiciels, l’intelligence artificielle ainsi qu’une licence professionnelle se retrouveraient « en concurrence directe » avec l’offre de l’Esigelec. « Chaque année, 500 étudiants sortent de chez nous avec un master 2
de haut niveau et exercent les mêmes métiers que les ingénieurs, souligne Thierry Cabioc’h, directeur de la faculté de SFA. Nous craignons une fuite d’étudiants que le titre d’ingénieur fait rêver et une perte de ressources propres en termes de contrat de professionnalisation et de taxe d’apprentissage versée par les entreprises. » Un manque à gagner estimé entre 150 000€ et 200 000€ par an d’autant plus préjudiciable pour le doyen que « la dotation de l’Etat n’a pas augmenté malgré le baby-boom ». L’effectif en SFA a progressé de moitié en quatre ans pour atteindre 4 500 étudiants. L’université s’oppose à cette installation, tout comme le syndicat Snesup-FSU qui dénonce une « politique de développement de l’enseignement supérieur privé qui fragilise le service public ».

Les industriels en ont besoin

Le tissu économique local ne serait pas assez important pour assurer la pérennité de deux établissements d’enseignement supérieur… Etienne Craye défend tout l’inverse. Recontacté la semaine dernière, le directeur de l’Esigelec indique « avoir consulté un très large panel d’entreprises industrielles qui, toutes, ont exprimé un déficit dramatique de recrutement d’ingénieurs ». 
Son offre répond donc à 
l’« expression d’un besoin ». Les collectivités continuent de soutenir cette installation au nom de l’attractivité et du développement économique du territoire.

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