Religions plurielles

Chaque semaine, des milliers de Poitevins se retrouvent autour de croyances communes, souvent éloignées des trois religions monothéistes bien connues. Cette nouvelle série part à leur rencontre afin de découvrir leurs rites et comprendre leurs engagements.

Romain Mudrak

Le7.info

Les Français croient de moins en moins en Dieu. Les athées seraient même devenus majoritaires, selon un sondage réalisé en 2021 par l’institut Ifop pour l’Association des journalistes sur les religions. La barre symbolique a été franchie (51%), alors qu’ils étaient 45% en 2004 et seulement 34% en 1947. Dans notre pays d’influence catholique, les églises sont de moins en moins fréquentées. Pourtant, chaque semaine, des milliers de personnes continuent de faire vivre des lieux de culte, plus ou moins connus. Jusqu’en juin 2023, la rédaction du 7 part à leur rencontre pour comprendre si leurs activités se cantonnent à la spiritualité ou trahissent d’autres aspirations.

Dimension identitaire

Ils et elles sont antoinistes, anglicans, orthodoxes, bouddhistes,
baha’is ou appartiennent à différents courants du protestantisme. Leurs rites sont parfois aux antipodes des principales religions monothéistes. D’autres se réunissent selon leur pays d’origine. L’ouvrage scientifique dirigé par Anne-Laure Zwilling les classe parmi Les minorités religieuses en France (Bayard), une notion apparue après la Révolution française (lire ci-dessous). Ensemble, ces croyants choisissent de suivre des préceptes qui les aident à vivre au quotidien.

L’idée de cette série n’est pas de savoir qui a « raison » ou qui a « tort » mais plutôt de comprendre leur place dans la société. « On assiste depuis plusieurs années à une appropriation de la religion à but identitaire, avance Jérôme Grévy, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Poitiers. Religare signifie relier en latin. Relier de haut en bas mais aussi à l’horizontale, entre les gens. » Cette dimension identitaire prend la forme de rites, de moments de communion, de pratiques religieuses. « Les minorités cultivent la différence. Cela s’exprime par la langue, les vêtements, et aussi la religion qui marque tous les actes de la vie : naissance, mariage, décès… Cela traduit parfois une difficulté à s’intégrer », poursuit l’enseignant. Cette histoire sociale des religions est au centre d’un nouveau cours dispensé depuis le début de l’année au sein de la faculté de Sciences humaines et arts. Preuve que le phénomène est loin d’être « éteint ».

Minorités religieuses, de quoi s’agit-il ?
Cette notion de minorité religieuse est née avec la Révolution. La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dicte dans son article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. » C’est la naissance du pluralisme religieux. Evidemment tout cela ne s’est pas fait sans mal. Cette nouvelle règle a suscité des conflits et des morts. « Ensuite en 1802, le Concordat a déclaré le catholicisme comme la religion de la majorité des Français, c’était un constat, rien d’obligatoire, explique Jérôme Grévy. Ce document signé par le Pape est une reconnaissance qu’il n’y a plus de religion d’Etat et qu’il existe donc des religions minoritaires. » Cette notion a été poussée en premier lieu par les protestants. Toutefois à l’époque, curés, pasteurs et rabbins étaient payés par l’Etat qui a également construit des temples et des synagogues jusqu’en 1905. Aujourd’hui, il est difficile de connaître précisément le nombre de fidèles de telle ou telle obédience puisqu’il n’existe pas de recensement officiel. On ne déclare pas sa religion en France, contrairement à d’autres pays. Minoritaire et majoritaire reste donc très relatifs.

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