« Ne pas pousser la voiture dans les tours »

Directeur de recherche à l’institut Pprime(*), Noël Brunetière est un spécialiste de la tribologie, autrement dit de l’étude des frottements. Dans un article de The Conversation, il explique comment « nos voitures « gaspillent les deux tiers de leur carburant ». Mais encore ?

Arnault Varanne

Le7.info

Qu’est-ce que la tribologie, qui est votre domaine de recherche ?
« Il s’agit de l’étude de ce qui se produit quand deux objets ou deux surfaces sont en frottement relatif : l’usure, la mécanique du contact, les techniques pour réduire les contacts. »

Vous dites dans l’article de The Conversation qu’environ 40 à 50% seulement de l’énergie fournie par le carburant est transformée en énergie mécanique, le reste étant dissipée en chaleur via le radiateur et le pot d’échappement...
« Une partie de ces pertes est inhérente au fonctionnement des moteurs. Mais l’idée est de souligner qu’environ 30% de l’énergie mécanique est perdue par frottements entre les pièces et n’est donc pas restituée aux roues. Ce n’est pas négligeable. »

A l’heure où le prix des carburants flambe et l’essence est rare en raison de la grève dans les raffineries, jusqu’à quel pourcentage de pertes minimal les constructeurs peuvent-ils aller ?
« L’objectif de 15% est envisageable mais tout dépendra des stratégies des constructeurs. Le moteur thermique n’est pas à la mode (sa commercialisation sera interdite à l’horizon 2035, ndlr). La stratégie des marques est de faire des véhicules toujours plus longs et plus gros. A cause de cela, on consomme forcément plus. Plus la voiture est haute, plus la résistance à l’air est importante. Et plus elle est lourde, plus les pneus sont larges et augmentent le besoin en énergie. »

Donc rouler moins vite est l’une des solutions concrètes pour réduire sa consommation, non ?
« Tout à fait, de la même manière qu’il ne faut pas pousser la voiture dans les tours. Plus le moteur tourne vite, plus les pertes par frottements s’accumulent. Il faut aussi bien gérer la pression dans les pneus. Ce sont des points assez simples en termes d’éco-conduite. »

Le véhicule électrique est-il plus vertueux sur le ratio énergétique ?
« Comme il y a nettement moins de transmission mécanique et de pièces en mouvement, les pertes résiduelles par frottement ont été évaluées à environ 5%. Là-dessus au moins, le véhicule électrique est plus vertueux. »

A titre personnel, avez-vous changé votre façon de conduire... ou votre véhicule ?
« Je n’ai que deux petits véhicules, une C1 et une DS3 (Citroën) qui ne consomment pas beaucoup, parfois moins de 4 litres aux 100km, et j’essaie d’appliquer l’éco-conduite. Je viens aussi régulièrement à vélo jusqu’au laboratoire. »

(*)Au sein du département génie mécanique et systèmes complexes, situé à Chasseneuil-du-Poitou.

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