Jean-Luc Gadreau, cinquante nuances de foi

Jean-Luc Gadreau. 56 ans. Animateur de Solaé, le rendez-vous protestant diffusé chaque dimanche sur France Culture. Ancien pasteur à Poitiers, musicien passionné, cuisinier à ses heures perdues, écrivain, juré du prix œcuménique au Festival de Cannes... En un mot, vivant.

Arnault Varanne

Le7.info

Avec ses lunettes rondes cerclées, sa boucle d’oreille et son visage amène, Jean-Luc Gadreau ne passe jamais inaperçu. Mais les auditeurs de France Culture savent-ils réellement qui se cache derrière cette voix suave, lui qui 
« tient la boutique » le dimanche matin entre 8h30 et 9h ? Depuis deux ans, le Poitevin invite au micro chercheurs, artistes et autres théologiens pour échanger sur des sujets d’actualité. 
« Avec Solaé, l’idée est d’avoir un regard protestant sur la culture, la spiritualité, le monde..., glisse-t-il. On en a fait un vrai magazine, avec un reportage, un micro-trottoir et du dialogue. » Un peu plus de 
200 000 auditeurs lui sont fidèles avec quelque 20 000 podcasts par émission. 


Le terreau de sa foi

Entre culture et spiritualité, le Maritime de naissance aborde la question de la foi de manière décomplexée. « Fervent défenseur de la laïcité », l’ancien pasteur -vingt-cinq ans au service de plusieurs communautés à Royan, en région parisienne et à Poitiers-, se réjouit du 
« rapport à la spiritualité de plus en plus fort » de ses contemporains, même si les sondages sur les jeunes et les religions ne laissent de l’inquiéter. La sienne de foi trouve son terreau dans le cercle familial, après un drame intime. « Ma sœur (de neuf ans son aînée, ndlr) est tombée aveugle totalement. C’est une période très sombre que je n’ai pas connue. Mes parents se sont convertis après avoir rencontré une religieuse qui avait vécu une expérience de guérison physique. Ma sœur n’a pas guéri mais cela a transformé la famille. » 


Benjamin d’une fratrie de quatre, Jean-Luc (lux, lumière) se souvient d’une 
« enfance heureuse » en banlieue parisienne. Cergy-Pontoise, la musique, bientôt les radios libres... Le minot au tempérament « rebelle » travaille à l’école juste-ce-qu’il-faut pour s’en sortir. Sans plus. Son truc à lui, c’est « la musique et les médias ». Le bac en poche, le pianiste-clarinettiste-saxophoniste grimpe dans l’European Broadcasting school, l’une de ces nouvelles écoles de formation à la télé et à la radio. 


« On avait Yves Bigot en histoire de la musique. Je me souviens qu’on allait donner un coup de main à Europe 1 sur son émission TransEurope Express. » Sans sa rencontre avec son épouse Nadiège, peut-être aurait-il accepté de rejoindre France Bleu Corse ou Couleur 3 à Genève. Mais Jean-Luc Gadreau a choisi un autre chemin. « Clerc d’huissier, libraire... J’ai fait plein de petits jobs alimentaires ! » 
Dans sa boîte à souvenirs, pas une once de regrets. Car la musique, sa muse éternelle, l’a aussi emmené partout en Europe et jusqu’aux Etats-Unis. Avec Nadiège aux percussions, toujours à ses côtés. Image devenu Nouvelle Adresse -pour ne pas entrer en concurrence avec Emile et Images !- puis Label 7 ont eu leur petit succès au milieu des années 90. Dans ses textes, la foi encore et toujours. 


Ecrivain gourmet

On ajoutera la gourmandise. Le père et bientôt grand-père curieux de tout et avenant a souvent provoqué le destin avec bonheur. C’est à lui qu’on a proposé d’intégrer le prestigieux jury du Festival œcuménique de Cannes en 2012, 
« alors que je n’étais pas du tout un spécialiste ». Il a vécu l’expérience avec bonheur, parlant de « coup de foudre amoureux » pour le 7e art. Encore aujourd’hui, il assume la fonction de président d’Interfilm France, la structure en charge de tisser des liens entre Eglise et cinéma. Il y a ces engagements « dans la lumière » et des actions plus anonymes au plus près du terrain.

Avec l’association Proche ensemble, il fait des pizzas solidaires depuis trois ans. « Pendant le confinement, on a acheté un foodtruck. On a notre diplôme de pizzaïolo ! Trois à quatre fois par mois, on vend des pizzas 10€ et on reverse les bénéfices à la Croix-Rouge, au Toit du Monde... » 
La « générosité des gens » lui donne de l’espoir. Et lorsque son moral flirte avec la zone rouge, il part « pêcher aux Boucholeurs, au milieu des parcs à huîtres. Il n’y a plus un bruit, j’ai l’île d’Aix et l’île d’Oléron à l’horizon, il n’y a rien de mieux ! » Dans sa cuisine, Jean-Luc n’aime rien tant qu’imaginer des plats, notamment à partir de fruits de mer, de pâtes... Compulsif en tout, il a perdu voilà trois ans plus de 40kg à la faveur d’une sleeve (réduction du volume de l’estomac, ndlr). « Je suis passé de la quantité à la qualité », sourit-il. Au point d’imaginer un énième livre non pas sur Aretha Franklin mais plutôt sur le rapport entre spiritualité et cuisine. Les deux domaines se nourrissent d’émotions. Avec la complicité d’un petit-neveu star de la pâtisserie, Lucas Spinelli pour ne pas le citer, il peaufine la recette patiemment.

Celui qui « rêve tout le temps », dixit Nadiège, avance dans la vie avec un enthousiasme contagieux. « Je crois beaucoup à la gentillesse, c’est fondamental dans la relation humaine. » Les escarmouches sur les réseaux sociaux, très peu pour le communicant. Il n’a « pas de temps à perdre avec ceux qui passent leur temps à diviser ». Du bon usage de la nuance...

(*)Sister Soul, Aretha Franklin 
sa voix, sa foi, ses combats aux éditions Ampélos.

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