
Aujourd'hui
A jamais les premiers. Installés depuis plus de quinze ans à La Bussière, petite commune de 321 âmes située à l’Est du département, Bernard et Johny sont les premiers mariés gays de la Vienne. La cérémonie a eu lieu le 6 juillet 2013, deux mois après la promulgation de la loi sur le mariage pour tous. « C’était pour l’avenir des gays », raconte Bernard, toujours prêt à témoigner de cette date marquante à plus d’un titre. Historique.
Ce même mois de juillet 2013, Cyril Cibert célébrait le premier mariage homosexuel de Châtellerault, en sa qualité de conseiller municipal (PS). « J’ai ensuite été invité à faire des discours à d’autres mariages dans le département, se souvient l’élu gay, qui avait milité à l’époque en faveur du projet de loi et a lancé l’an dernier les Fiertés rurales, à Chenevelles(*). Le vote à l’Assemblée a été une joie immense, j’étais extrêmement ému de voir qu’on arrivait enfin à l’égalité. » Le souvenir est un peu plus « ambivalent » pour Emil. « Durant les débats, il y a eu une libération de la parole homophobe. C’était une période clairement éprouvante, qui laisse des traces, confie le trentenaire. Mais il y a aussi eu des manifestations en faveur du mariage pour tous. »
Depuis, un peu plus de 350 unions entre personnes de même sexe ont été célébrées dans la Vienne, selon les derniers chiffres de l’Insee. Le sexologue poitevin Philippe Arlin, marié à Hubert, observe que le mariage entre deux personnes du même sexe « est aujourd’hui majoritairement entré dans les mœurs ». Il a notamment permis à la communauté LGBT d’avoir les mêmes droits que les couples hétérosexuels, en cas de décès de l’un des conjoints par exemple. « Au quotidien, rien n’a changé, mais c’est comme si quelque chose pesait moins lourd sur nous. »
Pour Emil et Yo, pères de trois enfants nés par une GPA, « être parent homosexuel est un coming-out permanent ». « Après le mariage, on se savait attendu au tournant, comme si on avait moins le droit à l’erreur. » Pour lever les fantasmes à ce sujet, Emil a créé en 2016 la chaîne Chez Papa Papou, sur YouTube, où il raconte son quotidien de père gay et va à la rencontre d’autres familles homoparentales. « J’étais parti du constat qu’il y avait peu de ressources sur cette question en France. C’est une manière de reprendre une parole qui nous était confisquée et de donner de l’espoir à toute la communauté LGBT qui peut être tentée de s’auto-censurer, explique le membre du Collectif Famille.s, à l’origine de la Family Pride Festival. Mais aujourd’hui, on ne peut plus nous contester le droit de faire famille. »
Bernard revendique lui aussi cette « normalité » : « On est comme tout le monde, j’ai des enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, des chiens et un cheval ! » Le septuagénaire ne cache pas essuyer encore parfois des remarques désobligeantes. « Ce ne sont pas les plus âgés qui nous insultent, loin de là ! » En revanche, la communauté LGBT de la Vienne goûte peu les récents « retournements de vestes » de politiques autrefois farouchement opposés au mariage pour tous. « Ils voient 2027 arriver, on n’est pas naïf », se désole Cyril Cibert. Le mot de la fin est pour Bernard, philosophe : « Aimer c’est donner de l’amour dans n’importe quel moment, à n’importe qui. On ne choisit pas alors aimez-vous et vivez votre vie. »
(*)La 2e édition se déroulera le 29 juillet.
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