Carmen, le procès 150 ans après

Jeudi, se joue Carmen, cour d’assises, au Théâtre-auditorium de Poitiers. Commandé par l’ensemble Ars Nova, cet opéra est une suite à l’œuvre de Bizet, qui questionne ce célèbre féminicide à l’aune de nos débats contemporains.

Steve Henot

Le7.info

Revoir Carmen à l’heure de #MeToo. Voilà ce que propose Ars Nova, jeudi soir, au Théâtre-auditorium de Poitiers. A l’occasion de son 60e anniversaire, l’ensemble a commandé à la metteuse en scène Alexandra Lacroix et à la compositrice Diana Soh une « suite » directe du célèbre opéra de Bizet. Carmen, cour d’assises -c’est son nom- imagine ainsi le procès de l’ex-compagnon Don José pour le meurtre de la bohémienne.


« L’objet n’est pas tant de porter un jugement mais de questionner factuellement les étapes du livret, présente Benoît Sitzia, le directeur artistique d’Ars Nova. Les extraits de l’œuvre de Bizet sont cités, c’est une mise en abyme de Carmen. Deux temporalités vivent au plateau, deux versions des personnages. » L’ensemble installé à Poitiers n’en est pas à sa première adaptation de Carmen. En 1981 déjà, Marius Constant, le fondateur d’Ars Nova, créait avec Peter Brook une version resserrée intitulée la Tragédie de Carmen. 


Toujours plus de 
médiation culturelle

Il est déjà prévu que Carmen, cour d’assises soit rejouée en 2024 à l’Opéra de Bordeaux, puis en 2025 à l’Opéra de Limoges. Interprété par neuf chanteurs et treize musiciens d’Ars Nova et dirigé par la cheffe d’orchestre Lucie Leguay, cette création mondiale est « un miracle », estime Benoît Sitzia. « Après la crise Covid, tous les indicateurs nous disaient que ce n’était pas le moment de lancer un tel projet. Mais on a pu trouver l’énergie et l’audace de le faire. » Costumes, décors, vidéo… Près de quarante personnes -soit une dizaine de corps de métier différents- ont travaillé sur cet opéra. « La pluridisciplinarité est une médiation en soi, qui parle à plusieurs groupes de personnes de manière extrêmement large », 
plaide Benoît Sitzia.


A noter qu’une visite tactile des décors ainsi qu’un entretien entre la metteuse en scène et Vanina Méplain, avocate engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, sont proposés au public le mercredi, veille du spectacle. Et le jeudi, à 18h30, des 6es du collège Ferdinand-Clovis-Pin vont présenter au Tap le projet d’éducation artistique et culturelle qu’ils ont mené au cours de l’année avec Ars Nova. Des actions de médiation qui incarnent la nouvelle logique de programmation adoptée par l’ensemble. « La création devient plus le centre de quelque chose qu’une fin en soi. » Ainsi, Ars Nova déploie un accompagnement pour des compagnies et ensembles de la région, des créations plus « imprégnées » des territoires, réalise des interventions auprès d’élèves… 
« L’ensemble Ars Nova est un outil de service public, de renforcement des pratiques, d’inclusion, d’émergence…, défend son directeur artistique. On doit participer à la reconquête d’un sens, déclencher un désir de culture. C’est un moyen de saisir les enjeux d’aujourd’hui. Et c’est un modèle opérationnel qui nous semble exemplaire. » 


DR - Stéfanie Molter/Ars Nova

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