L’IA à bonne distance

Co-fondateur du festival Undertech(*),Jacques-Aurélien Marcireau est responsable des investissements technologiques pour le fonds Edmond de Rotschild. Le Poitevin porte un regard lucide sur l’intelligence artificielle et ses conséquences sur nos vies.

Arnault Varanne

Le7.info

Passionné de technologie « depuis l’enfance », Jacques-Aurélien Marcireau baigne toujours et encore dans le sujet à titre professionnel. L’ancien lycéen de Camille-Guérin, passé par Sciences Po Lille, occupe aujourd’hui un poste très prestigieux au sein du fonds d’investissement Edmond de Rotschild. Un poste d’observation à partir duquel il affirme sans ambages qu’« on surestime autant les conséquences des innovations technologiques à court terme qu’on les sous-estime à long terme ». « Beaucoup pensaient, au début des années 2002, qu’Internet resterait marginal... » Deux décennies plus tard, le Web occupe une place centrale. On s’instruit via le Net, on consomme, on travaille, on 
« voyage », on échange...

Question : l’intelligence artificielle est-elle amenée à supplanter l’humain dans l’essentiel des métiers ? Jacques-Aurélien Marcireau temporise. « Des IA, il en existe depuis une dizaine d’années. ChatGPT n’est qu’une facette très visible et accessible au grand public. » Autrement dit, rien ne sert de fantasmer sur la dimension machiavélique ou incontrôlable des outils, même s’ils ont de vraies applications aujourd’hui. Le géant Amazon ferait un tiers de son chiffre d’affaires grâce aux algorithmes de recommandations personnalisées. A l’inverse, la voiture autonome promise dès 2012 avec l’obtention d’une licence par Google dans le Nevada tarde à se généraliser pour des tas de raisons.

« Comment utiliser 
les technologies »

« La clé, c’est de savoir comment utiliser les technologies plutôt que de s’y opposer ou de les ignorer », abonde le Poitevin. Appliqué à l’éducation, ce raisonnement implique qu’on aille plus loin que l’épiphénomène des étudiants en quête de la dissertation parfaite sur ChatGPT... dont le taux d’erreurs est élevé. 
« La prime n'est plus à celui qui en connaît le plus, mais à celui qui mobilise le mieux ses connaissances pour répondre à une problématique donnée. Dans ce contexte, le rôle de l’enseignant est toujours aussi fondamental. La preuve, le taux d’abandon sur des Mooc est de plus de 95%, ce qui signifie qu’il faut derrière un élève quelqu’un qui entraîne, donne de la motivation... »

D’après Jacques-Aurélien Marcireau, l’IA permet à certains secteurs de gagner en productivité -la relation clients par exemple- mais pas au point de remplacer les téléconseillers. 
« Je ne suis vraiment pas inquiet à court terme, ajoute le spécialiste. Tout ce qui peut nous libérer du temps pour nous attaquer au combat contre le réchauffement climatique est bon à prendre. » Reste la question de la régulation des outils, 
« presque impossible », conclut le co-fondateur du festival Undertech. Ce qui n’empêche pas de se poser la question de la propriété intellectuelle, que les chercheurs défendent à juste titre.

(*)Lancé en août 2022 auprès des lycéens de 1re. La 2e édition devrait avoir lieu pendant les vacances d’automne sous la forme d’un hackathon. Plus d’infos à la rentrée.

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