Comment l’origine sociale influe sur la participation orale

Maître de conférences en psychologie sociale à l’université de Poitiers, Sébastien Goudeau a publié en juin une étude sur les inégalités d’expression des élèves, dès la maternelle. Le fruit d’un long travail de recherche démarré en 2017.

Arnault Varanne

Le7.info

A niveau scolaire égal, les élèves issus des classes moyennes et supérieures sont plus enclins à participer aux discussions en classe que les élèves de la classe populaire. Voilà ce qui ressort d’une étude approfondie menée par Sébastien Goudeau en collaboration avec le rectorat de l’académie de Poitiers, entre 2017 et 2023. Le maître de conférences en psychologie sociale à l’université de Poitiers(*) a posé « ses » six caméras 360° dans plusieurs classes de grande section de maternelle de l’académie pour observer les interactions entre élèves et avec les enseignants, à l’occasion des rassemblements. 
« L’idée était de filmer plusieurs moments dans la journée, dans des classes où il y a une relative mixité, en milieu rural et en périphérie des villes », abonde le chercheur.

Analysées par des experts indépendants, les dizaines d’heures de rush montrent clairement « des différences dans la fréquence et la durée de la prise de parole en fonction du milieu social ». « Ce que l’on met en évidence dans une deuxième étude, c’est que les enfants qui contribuent le plus ont un avantage symbolique. Parler souvent et longtemps fait paraître plus intelligent, plus sage... Cela contribue à creuser ou renforcer les inégalités du départ. » Sébastien Goudeau insiste sur un point. Des différences apparaissent au-delà de la qualité du langage. A niveau équivalent, 
« les élèves de milieux populaires prennent moins la parole ».

« Exprimer 
leur individualité »

Toujours selon Sébastien Goudeau, ces inégalités s’expliquent d’abord par le milieu social. Dans des familles plus aisées, « on 
incite davantage les enfants à donner leur point de vue, dans la vie quotidienne, les activités... Ils peuvent exprimer leur individualité ». Très prudent, le chercheur estime que le développement de l’aisance orale n’incombe pas aux seuls enseignants mais à « toute la société ».« Il faut être très prudent, prévient-il, parler devant les autres est une compétence qui peut s’entraîner. » Le membre du laboratoire Cerca renvoie aux 
« dizaines d’années de travaux en psychologie et sociologie » qui démontrent cela. Pour sa part, il avait publié en 2020 un ouvrage intitulé Comment l’école reproduit-elle les inégalités ?

(*)Rattaché au Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage, Cerca de l’université de Poitiers/CNRS.

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