Bénédicte Robert : « Il n'y a pas de solution miracle »

La rectrice Bénédicte Robert analyse avec optimisme les résultats des évaluations nationales dans l’académie de Poitiers, lesquelles font écho à l’enquête PISA publiée la semaine dernière qui dénonce un niveau faible en maths et en français.

Claire Brugier

Le7.info

Hormis en CP, les résultats des évaluations dans l’académie (lire ci-contre) sont en dessous du niveau national. Quels enseignements en tirez-vous ?
« Historiquement, l’académie affiche de bons résultats en début de CP et un écart avec la moyenne nationale en CE1, plus ou moins fort selon les compétences regardées. C’est le signe que la sociologie a pris le pas sur la pédagogie. En français par exemple, à la rentrée 2022, les résultats en CE1 étaient inférieurs de 
3,3 points aux chiffres nationaux pour « lire à haute voix des mots » et de 4 points pour 
« lire à voix haute un texte ».
Nous avons donc engagé l’an dernier un choc des savoirs au niveau de l’académie. »

Par quelles actions ?
« Tout d’abord par une conscientisation des acteurs, et notamment les inspecteurs de circonscription. Nous nous sommes aussi appuyés sur les plans Maths et Français avec des thématiques qui restent au choix des équipes mais en tenant compte des compétences à travailler. A cela s’ajoutent des approches ciblées dans les écoles les plus fragiles. En un an, le diagnostic de maîtrise a progressé. Aujourd’hui, je suis optimiste. »


L’enquête Pisa(*), comme les évaluations nationales, jauge essentiellement les compétences en français et en maths. Au risque de rabaisser les autres matières ? 

« Le français et les maths sont utiles pour la physique, les sciences naturelles, l’histoire-géo, les arts plastiques… Ce sont des disciplines transversales dans lesquelles on remarque aujourd’hui une forte hétérogénéité. En 6e, certains élèves sont très fluents en lecture et d’autres déchiffrent avec peine. D’où la proposition du ministre de faire des groupes de niveau en français et en maths. »


Des voix s’élèvent déjà contre cette mesure…

« Dans l’académie, nous avons, et c’est assez rare, un équilibre public-privé. Les parents qui mettent leurs enfants dans le privé le font pour la majorité en raison de valeurs et pas de résultats. Un enjeu de ces groupes de niveau est de permettre à la fois l’accompagnement de l’excellence scolaire et celui des élèves les plus fragiles. Il n’y a pas de solution miracle. Il faut considérer que ces groupes ne vont représenter qu'un tiers de l’emploi du temps des élèves. »


Que dire, dans une académie engagée dans le dispositif Territoires numériques éducatifs, de l’effet trop distrayant du numérique mis en avant par l’enquête PISA ?

« Le numérique est au service de l’apprentissage. Dans la différenciation pédagogique, il permet à chaque élève d’avoir son propre parcours. Par ailleurs, les TNE s’accompagnent d’un plan d’action citoyenneté et parentalité numérique par rapport à l’exposition des enfants aux écrans. »


Plus globalement, l’enquête PISA met en exergue un changement d’approche de l’école, des enfants et des parents. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

« On le voit avec l’exemple du redoublement, qui a pu avoir des effets pervers. Cela ne sert à rien de refaire la même année avec le même instituteur, mais l’inverse induit aussi une moindre exigence collective par rapport aux résultats des enfants. En ce sens, le ministre a annoncé l’instauration de préconisations pédagogiques, qui seront faites à l’enfant et à sa famille pour remettre l’accent sur le suivi parental. Il y a aussi la question de comment on valorise ce qui est appris à l’école dans notre société d’image, de consommation… »


(*)Plan international pour le suivi des acquis des élèves, réalisé dans 85 pays auprès d’élèves de 15 ans, soit 690 000 en 2022, dont environ 8 000 dans 335 collèges et lycées en France, dans les domaines des maths, des sciences et de la compréhension.

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Les évaluations à la loupe

Revue de détail non exhaustive évaluations nationales en CP, CE1, CM1, 6e et 4e dans l’académie de Poitiers avec un participation de 98% en CP, CE1 et CM1 et 96% en 6e et 4e.

En français

En CP, les résultats sont en progressions par rapport à 2022 et supérieurs à la moyenne nationale. Exemple : 83,3% des élèves maîtrisent la compétence « connaître le nom des lettres et le son qu’elles produisent ».
En CE1, malgré une progression en « Compréhension » et « Lecture », les résultats sont inférieurs au niveau national pour la compétence « Lire à haute voix un texte » (2 points).
En 6e, les résultats sont stables mais en-dessous de la moyenne nationale malgré certains progrès, par exemple +3 points dans la proportion d’élèves maîtrisant la lecture fluide de 150 mots par minute (53,3%).

En mathématiques

En CP, les résultats ont progressé et se situent au-dessus de la moyenne nationale, + 3,5 points par exemple (soit 70,7% des élèves) en matière de « Résolution de problème ».
En CE1, malgré une progression, seuls 52,4% des élèves maîtrisent les additions, la moyenne nationale étant à 60,6%. Même combat pour les soustractions : +1,3 point entre 2022 et 2023 (61,1% au national).
En 6e, l’écart se réduit, notamment pour ce qui est de la compétence « Résolution de problèmes », 43,7% des élèves contre 44,6% au national.

Les évaluations en CM1 et 4e ont eu lieu pour la première fois à la rentrée 2023, avec des résultats contrastés.
En CM1, en français, 86,1% des élèves ont un niveau satisfaisant en « Compréhension de texte oral », mais seuls 53% maîtrisent la « Lecture à voix haute » (-3,2 points par rapport au niveau national). En maths, « oser et calculer (additionner, soustraire, multiplier » est maîtrisé par 49,3% des élèves, contre 50,4% au niveau national.
En 4e aussi, les résultats sont contrastés, avec un taux de 44,3% identique à la moyenne nationale en « Compréhension de l’écrit » mais seulement 51,1% des élèves qui lisent de manière fluide 140 mots par minute, soit -2,9points par rapport au national. En mathématiques, le bât blesse en géométrie où seuls 25,8 % des élèves ont un niveau satisfaisant (27% au niveau national).

 

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