
Aujourd'hui
Elle n’en peut plus, Marie. Elle veut en finir et, pour cela, l’octogénaire a tout prévu… sauf d’informer son fils et sa petite-fille qu’elle a rendez-vous en Suisse pour son suicide assisté. Alors sous le prétexte d’un improbable héritage, et avec la complicité plus ou moins consentie d’un auxiliaire de vie qu’elle connaît à peine, elle les embarque dans son dernier voyage. En voiture tout le monde ! Ou plutôt en Rapido, modèle années 1980 s’il vous plaît.
Dans On ira, son premier long-métrage, Enya Baroux livre un road movie familial en camping-car, doux et sensible, dans lequel la caméra se fait oublier pour recueillir les émotions brutes et mettre en lumière quatre personnages imparfaits et attachants. Hélène Vincent est remarquable dans le rôle de Marie, cette grand-mère résolue, aussi retorse qu’attendrissante. David Ayala ne l’est pas moins dans le personnage de son fils Bruno, père célibataire dépassé par les événements et tout particulièrement par l’adolescence de sa fille Ana, remarquable Juliette Gasquet (*). Au milieu de ce trio dysfonctionnel, Rudy, alias Pierre Lottin, est tantôt témoin – qui n’en pense pas moins-, tantôt médiateur… De ce quatuor naissent des dialogues déroutants de spontanéité et de réalisme, dans lesquels la réalisatrice -à la ville la fille d’Olivier Baroux et filleule de Kad Merad- distille l’humour avec finesse. Disputes, mensonges, maladresses, Monopoly et pizza ananas rythment ce film léger. En apparence seulement. A l’instar de Pedro Almodovar dans La Chambre d’à côté, sorti en janvier dernier, Enya Baroux y aborde la question du suicide assisté. Pour créer l’émotion sans pathos excessif, la jeune réalisatrice joue sciemment du décalage entre ceux qui savent -dont le spectateur- et ceux qui ne savent pas. Seule certitude, on n’écoutera plus « Voyage, Voyage » de Desireless de la même façon.
(*) Double prix d’interprétation féminine au festival de comédie de l’Alpes d’Huez avec Hélène Vincent.
Comédie dramatique, d’Enya Baroux, avec Hélène Vincent, Pierre Lottin, Juliette Gasquet (1h37).
Entretien avec Enya Baroux, réalisatrice
Le thème
« J’ai voulu rendre hommage à ma grand-mère. Nous avions une relation très fusionnelle. Elle a eu un cancer pendant très longtemps et une fin de vie assez triste, à l’opposé de ce qu’elle était, autonome, drôle, joyeuse. Alors j’ai eu envie de lui écrire la fin de vie qu’elle aurait voulu si elle avait eu le choix. Est-ce qu’on peut rire de ça ? Je pense que la comédie permet cette distance. »
Le casting
« Dans mes rêves les plus fous j’avais pensé à Hélène Vincent pour faire ma grand-mère. J’avais le souvenir d’elle dans La Vie est un long fleuve tranquille, j’ai vu tous ses films et je savais qu’elle était ok sur le sujet car elle avait déjà fait un film militant avec Stéphane Brizé. Elle ne me connaissait pas. Cinq ans se sont découlés entre son « oui » et le tournage, mais elle ne m’a jamais lâchée. Pierre (Lottin), pour faire ce qu’il fait dans Les Tuche, il faut être très doué. David et Juliette sont arrivés l’an dernier. J’ai vu David dans la série D’Argent et de sang, et je me suis demandé pourquoi je ne le connaissais pas. Juliette a passé un casting avec une trentaine d’autres jeunes filles ; elle a une comédie innée. »
L’intention
« Le challenge était de faire une comédie de la fin de vie -un oxymore-, et de fournir au spectateur les armes pour qu’il s’autorise à rire. J’ai essuyé énormément de refus de financement, on me disait que le sujet était glauque, que le film allait être cafardé. Je crois qu’on sous-estime les spectateurs en pensant que si on ne leur donne pas de recette marketing, ils ne vont pas se déplacer. C’est un sujet tellement tabou, il faut en parler ! Le film n’est pas moralisateur, je l’ai beaucoup poétisé, mais ce n’est pas fun de devoir aller mourir en Suisse. »
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