La Grand’Goule, 
cette « bonne vermine »

Cette année, Le 7 part en quête de ce que l’histoire de Poitiers a laissé dans le présent, dans l’imaginaire collectif, la langue, le droit… Septième étape aux côtés de la Grand’Goule.

Claire Brugier

Le7.info

Elles ne jouent pas dans la même catégorie, certes, mais au niveau local la popularité de la Grand’Goule n’a rien à envier à la notoriété d’Aliénor d’Aquitaine. « Elle plaît à tout le monde cette bête ! », commente Stéphanie Coussay, médiatrice culturelle au musée Sainte-Croix. Au point que l’établissement en a fait son égérie. On la retrouve sur les tickets d’entrée mais aussi des magnets, tote bags, parapluies, badges, porte-clefs, cocottes en papier… Et bien évidemment « en chair et en os », ou plutôt en bois et peinture, dans l’une des salles du musée, à quelques mètres de la grande huile sur toile commémorant le siège de Poitiers en 1569 par l'amiral de Coligny. « La légende veut que la Grand’Goule, qui vivait dans le lit du Clain, s’infiltrait dans les caves lors des inondations pour aller dévorer les habitants mais aussi des religieuses de l’abbaye Sainte-Croix, ce qui a incité sainte Radegonde (ndlr, VIe siècle ap. J.C.) à l’affronter, résume Stéphanie Doussay. Selon une version elle l’aurait terrassée grâce à un signe de croix et le monstre serait parti en fumée. Selon une autre elle l’aurait enchaînée, ce que semble corroborer le collier rouge qu’elle porte. »

Rogations et procession

Tantôt maléfique, tantôt protectrice selon les époques et les récits, la « bonne vermine »
est implorée sur des étendards à partir du XIVe siècle lors de rogations -« Protège-nous bonne vermine, protège-nous pour l’année à venir »-, période où apparaît sa légende dorée. « L’image de la Grand’Goule a été construite assez tôt », note Stéphanie Coussay. La statue conservée au musée Sainte-Croix date quant à elle du XVIIe siècle. « Elle a appartenu aux religieuses jusqu’en 1792. On sait qu’elle a été saisie après la Révolution puis, après une période floue, elle est reparue au petit séminaire. En 1909, l’évêque l’a déposée dans les collections du musée. » Ladite Grand’Goule arbore un corps et une langue de serpent, des serres d’aigle, des ailes de chauve-souris… et un regard hypnotisant façon Kaa, le python du Livre de la jungle. Sa tête et sa langue sont articulées. « Elle est particulièrement photogénique et on la retrouve souvent mentionnée dans les avis Google ou sur les réseaux », 
constate Stéphanie Coussay. Parfois aussi, le monstre poitevin sort du musée, sous bonne garde et désormais sans danger pour la population. Elle a ainsi retrouvé certains de ses congénères au Louvres Lens de septembre 2023 à janvier 2024 lors de l’exposition Animaux fantastiques dont elle était l’une des « têtes d’affiche ». Et la revoilà encore dans le dragon du Stade poitevin, sur l’étiquette d’une cuvée d’hydromel local, dans le nom d’une boîte de nuit bien connue de Poitiers, derrière les Picta’Goules, les supporters du PB86…

Bio express

Date de naissance : 1677
Poids : 40kg environ
Père : Jean Gargot (1655-1691) 
Bienfaitrices : les sœurs de l’abbaye Sainte-Croix
Famille : la Tarasque de Tarascon, le Graoully de Metz, la Gargouille de Rouen, la Guivre de Milan…
Activités : processions, expositions… 

Une nouvelle jeunesse 

La santé de la Grand’Goule n’est pas prise à la légère par le musée Sainte-Croix de Poitiers.  Après un scanner réalisé en juin 2022, lequel a révélé que l’œuvre avait été taillée dans une même pièce de bois avant d’être évidée, elle a été confiée aux bons soins d’une restauratrice d’art en août de la même année. Emmmanuelle Sédille lui a redonné son lustre d’antan mais elle a aussi révélé ses fragilités, notamment une fente sous son anneau dorsal qui rend périlleuse toute suspension. 

Une revue

En juin 1929 était publié le premier numéro de La Grand’Goule, une revue dirigée par R. Jozereau et sous-titrée « Les lettres, les arts, la tradition, les sites ». « Un nom truculent » selon le directeur de la publication qui annonçait dans son premier édito : « Notre revue parlera net, dira beaucoup de choses, excellentes et curieuses choses, son verbe va retentir au-delà des monts, au-delà des mers… Ne doit-elle pas être bien fendue de goule ? » Vendue 2 francs, La Grand’Gouleétait imprimée à L’Union, à Poitiers. Elle a été diffusée jusqu’en 1944 et abordait des sujets locaux aussi divers que l’architecture religieuse de Poitiers, l’énigme de Sanxay, le patois poitevin, la toponymie… 

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