
Aujourd'hui
Il fallait que ça sorte une bonne fois pour toutes. C’est fait, couché sur le papier même. Marjorie Estevenet se tient debout, transfère son livre d’un carton à l’autre dans le salon de sa maison de Champagné-Saint-Hilaire. Son demi-visage sur la couverture, ce titre introspectif -Sous ma peau-, le sous-titre encore plus explicite : Le poids des épreuves, la force des renaissances. L’entrepreneuse, depuis cinq ans, s’y confie comme jamais, avec l’espoir que certaines s’approprient le miroir tendu. « Aujourd’hui, je suis connectée à moi-même, en phase avec mes valeurs, je m’assume. Je suis dans les meilleures années de ma vie. Je veux être inspirante pour les autres... »
Entre 20 et 30 ans, la maman d’Elio (6 ans) a passé beaucoup de temps à « déconstruire, se guérir et se libérer », aux côtés d’une palanquée de thérapeutes spécialistes du développement personnel. Briser les chaînes familiales et mettre à distance les personnes toxiques requièrent du temps et de la patience. Elle a désormais le sentiment de « récolter les fruits ». Il y a quelques semaines, Marjorie a rencontré Jenifer-de-la-Star-Academy, son idole de jeunesse, en marge d’un concert à Niort. Elle lui a offert son autobiographie, témoignage de son admiration pour l’artiste, mais pas seulement. « Jenifer m’a permis de m’évader, de me maintenir en vie. Jenifer a été une sauveuse à certains moments. » Comme la chanteuse, la gamine de Bonnes et Mauprévoir a souffert de « ne pas être dans les standards physiques ». Harcèlement scolaire. Le mot est lâché. « A la cantine, en sport... J’ai été humiliée à plusieurs moments. Je me répugnais, le regard des autres était lourd, insupportable. »
A l’époque, la maison ne constitue pas exactement le refuge idéal. La fille de maçon et de conseillère en insertion professionnelle se souvient des manques. D’argent d’abord avec « des parents qui ont toujours travaillé » mais rattrapés par le surendettement. D’affection ensuite. « Mon père a passé sa vie à construire des murs, y compris autour de lui sur le plan émotionnel ». Le viol dont elle a été victime à 14 ans ? « Il ne fallait rien dire, sauf que j’ai avorté et que ma mère a dû m’accompagner... » Dans cette enfance et adolescence « difficiles », ses grands-parents lui ont apporté « du temps, de la présence, de la reconnaissance et de l’amour ». Suffisant pour décider, à 18 ans, de voler de ses propres ailes. La bachelière, « tendance » littéraire, opte pour un BTS banque au Bois-d’Amour. Un choix qu’elle explique a posteriori par une farouche volonté de « guérir [ses] blessures et de [se] réconcilier avec l’argent ».
Mais l’argent ne fait pas le bonheur, même s’il y contribue. Alors celle qui se rêvait « directrice d’agence » -« je l’ai dit explicitement en entretien, mais on ne m’a pas prise au sérieux »- a pris la tangente, à la défaveur d’un arrêt maladie lié à une grossesse extra-utérine. Aujourd’hui, Marjographie fête ses 5 ans, a contribué à accompagner plus de 400 femmes dans les domaines de la com’ digitale et du webmarketing. Et la Champagnoise a lancé une nouvelle activité de création de bijoux -Madame Tournesol- le 1er novembre 2024. Bref, tous ses signaux sont au vert. Sur ses réseaux sociaux, Marjorie Estevenet s’assume comme elle, « sans artifice », maîtresse de son temps. « Je confie mes failles, mes doutes, mes convictions, ce qui me fait vibrer. » Son mantra ? « Ne pas baisser les bras, se détacher du négatif, passer à l’action et faire les choses pour soi. »
Celle qui s’est inspirée du Voile noir, l’autobiographie d’Anny Duperey, pour écrire « [ses] douleurs » se verrait bien, à l’avenir, donner des conférences. Son « heure » pourrait venir plus vite qu’elle ne l’imagine. Car la trentenaire à la spiritualité revendiquée n’aime rien tant que prendre d’autres chemins que ceux empruntés par la majorité. « Depuis gamine, j’ai la sensation d’être différente, de penser autrement, d’avoir un temps d’avance, d’être un peu rebelle en fait ! » Ce qui était sa faiblesse hier est devenu sa force. Avec le temps, ses colères se sont estompées et son hypersensibilité a affleuré. Dans dix ans, elle se voit à la tête de « deux entreprises qui tournent toutes seules », avec un deuxième livre à la clé.
Quelque part, ses primes rêves de journalisme et de photographie se sont simplement transformés. Le poids des mots, le choc des photos. Il y a un peu de cela et beaucoup d’autres choses dans Sous ma peau : le poids des épreuves, la force des renaissances. Un récit d’une épaisseur rare dont on ne sort pas indemne. « Le corps est le point central de tout ce que j’ai vécu. Mon homme a versé sa petite larme, et pourtant il connaît mon histoire. », reconnaît Marjorie. La vie, un long fleuve tranquille ? Après les tempêtes, peut-être !
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