Attention, tapageuses influences

Le Regard de la semaine est signé Julie Jadeau.

Le7.info

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Depuis bientôt vingt ans, les concepts d’appartenance, les valeurs et les croyances dans notre société ont évolué de façon stupéfiante. Les représentations sur la sexualité, le genre, les minorités ou les cultures lointaines se sont transformées. Notons également des mouvements autour du développement personnel, des dynamiques éclairées sur des phénomènes qui ne sont pas palpables, des signes, des énergies...

Seulement voilà, un autre univers a fait son apparition : les réseaux sociaux. Le smartphone a remplacé le journal, la télé et la radio. Pour plusieurs générations désormais, lui seul peut véhiculer de l’information, un référentiel. Les écrans dessinent nos nouveaux fondements de pensée. Tout le monde peut revendiquer, se sentir légitime d'affirmer son opinion, sans qu’il y ait souvent un quelconque intérêt public. Ce flux constant de propos inconsistants et imprécis dépasse les limites de la convenance et de la discrétion. Un contrôle commence à s’opérer sur les contenus des influenceurs, mais il est insuffisant.

Malheureusement, malgré l’ouverture d’esprit liée à la diffusion des connaissances sur le Web, on constate que l'inverse se produit aujourd'hui. Des mécaniques anti-woke bien ancrées se développent sur les réseaux. Les opinions extrêmes prennent toute la place. L'humain manifeste sa prise de position de plus en plus sans nuance. Nous assistons donc à un virage radical. Nous avions entrouvert la voie vers plus de bienveillance et, là, nous braquons à 180° pour retrouver des mouvances extrémistes dans à peu près tous les domaines : des concepts qui s'affrontent, des commandements opposés et plus de stigmatisation.

Comment y remédier ? Comment retrouver de l’apaisement, une liberté d'expression, modérée, qui ne se traduit pas par des réactions de haine ou des menaces ouvertes ? Tout le monde croit pouvoir briller et éclairer les autres. La diversité étant une richesse, dans l’absolu cela pourrait être merveilleux. Au lieu de cela, les avis, critiques et présomptions obscènes se multiplient. Comment « rattraper » la raison, comment pouvons-nous à nouveau débattre d'idées, sans déclencher des conflits inutiles et stériles ? Comment ne pas nourrir le clivage de notre monde ? Doit-on faire plus de contrôle, investir dans des autorités qui permettraient de réguler ou censurer ? Je n'en suis pas sûre.

On sait justement que vouloir trop contrôler présente le risque de tendre vers une pensée unique. Dans la balance donc, une pensée balisée dans un large cadre, plus ou moins homogène, ou une autre totalement décomplexée qui attise la méchanceté et le mépris.

La discorde est devenue un levier économique mais également un repas quotidien toujours chaud. Rassurez-vous, tout n’est que passage et, malgré nos repères souillés, j’ai bon espoir qu’on retrouve une direction clémente et coopérative.

CV express
Médiatrice en santé mentale au centre hospitalier Henri-Laborit. Egalement consultante et intervenante en promotion prévention et qualité. Fondatrice de l’association Humeur en vrac, suis une fervente défenseure de la promotion de la démocratie sanitaire. 

J'aime : le franc-parler, l'ouverture, la diversité, le voyage au sens large, le cinéma et la peinture.

J’aime pas : les conclusions hâtives, les étiquettes, les îles flottantes et le vélo. 

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