107 féminicides ont été commis en 2024 en France, deux dans la Vienne cette année qui ont suscité une vague d’indignation. Au cœur de la problématique, le Dr Alexia Delbreil, responsable de la Maison de Freyja au CHU de Poitiers, évoque un manque de moyens.
Elles s’appelaient Véronique et Inès et sont mortes sous les coups de leurs ex-conjoints les 17 mai, à Chasseneuil-du-Poitou, et 8 septembre à Poitiers. La Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes du 25 novembre n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom. Selon la Mission interministérielle dédiée (Miprof),
107 femmes ont été tuées par leur conjoint l’année dernière. Qui ajoute : « Chaque jour, plus de trois femmes sont victimes de féminicide ou de tentative de féminicide conjugal(*). » Et cela
« malgré plusieurs lois adoptées depuis dix ou quinze ans, des mesures de protection qui se sont améliorées, des professionnels mieux formés... », égraine Alexia Delbreil.
Toujours plus de victimes
La responsable de la Maison de Freyja du CHU de Poitiers se réjouit que la libération de la parole incite « de plus en plus de femmes à venir dénoncer ce qu’elles vivent ». Mais... « Mais les moyens ne suivent pas, poursuit la psychiatre et médecin légiste. Entre 2011 et aujourd’hui, l’activité de l’unité médico-judiciaire a été multipliée par deux et demi avec un budget similaire. » Plus de victimes mais pas forcément plus d’enquêteurs à la police judiciaire pour instruire les dossiers à l’autre bout de la chaîne, c’est ce que dénoncent les syndicats des forces de l’ordre (cf. Le 7 n°699).
« Penser les situations différemment »
Reste « la difficulté de prévenir le passage à l’acte », selon Alexia Delbreil. « Si l’on connaît beaucoup de facteurs de risque (la séparation envisagée notamment), des petits événements de la vie quotidienne peuvent, à un moment donné, faire basculer les choses... » Et si « le risque zéro n’existe pas », le médecin estime nécessaire qu’« on puisse se questionner de manière très collégiale (une table ronde est prévue le 4 décembre à la mairie de Poitiers, ndlr) pour analyser ce qui a été fait et peut-être penser les situations différemment ».
Pour ne plus vivre les drames qu’ont vécu Véronique et Inès. « A
chaque fois, c’est un sentiment d’échec pour tous les professionnels. » Elle invite à regarder les exemples du Canada et de l’Espagne, où le nombre de féminicides ou de tentatives a singulièrement baissé.
(*)La Miprof indique plus largement que 1 283 femmes ont été victimes de féminicides directs ou indirects, ou de tentatives de féminicides conjugaux, contre
1 196 en 2023.
Rappel utile, le 3919 est la ligne d'écoute nationale destinée aux femmes victimes de violences sexistes ou sexuelles. Le numéro est disponible 7j/7 et 24h/24.
La Maison de Freyja accueille 450 victimes par an
Ouverte en janvier 2023, la Maison de Freyja accueille environ 450 victimes par an au CHU, en majorité de violences conjugales. Une équipe pluridisciplinaire composée de sept professionnelles de santé (médecin, infirmières, assistante sociale, psychologue) les accompagne en fonction de leurs besoins. « Nous travaillons en réseau sur les questions du logement, de la garde d’enfants, des ressources, de leurs droits... », le tout avec « nos partenaires extérieurs que sont les institutions et associations ». Le délai moyen de rendez-vous est d’un mois à un mois et demi. Un bilan de l’accompagnement est réalisé au bout de six mois. Et Alexia Delbreil l’assure : « Il y a beaucoup de situations qui finissent bien, où les personnes retrouvent leur autonomie. »