Modibo Diarra, king of the ring

Modibo Diarra. 40 ans. Educateur sportif à la Ville de Châtellerault. Ancien champion de boxe française, anglaise et de kickboxing. A ouvert son club à la rentrée 2024. Signe particulier : cultive la sagesse de ceux qui savent.

Arnault Varanne

Le7.info

Au fond, il est revenu pour elle, « la maman » comme il l’appelle affectueusement. Après vingt-trois ans d’exil à Toulouse, Modibo Diarra a retrouvé sa ville (Châtellerault) et son quartier (Ozon) à l’automne 2024. Un retour aux sources mûrement réfléchi pour être auprès de la matriarche, à la tête d’une fratrie de 18 enfants. « Elle est malade, on passe chez elle le soir, c’est notre point de ralliement ! » 
Celui qui était « devenu un vrai Toulousain » a troqué son costume de coach pour la tenue d’éducateur sportif à la Ville de Châtellerault. Il a accompagné les rugbymen Thierry Dusautoir et William Servat après leur carrière, le voilà aujourd’hui face à un autre public mais un même plaisir : transmettre. Les plus jeunes « ne connaissent pas [sa] carrière », ou alors de loin.

La force tranquille

Modibo a pourtant enrichi son CV de quelques lignes très prestigieuses : double champion du monde de savate boxe française en 2007 et 2009, double champion d’Europe en 2008 et 2010, septuple champion de France de savate boxe française, champion du monde et d’Europe de kickboxing, champion d’Europe de full contact, etc. Et dire qu’il est simplement venu à la salle omnisports de Châtellerault pour « s’amuser avec les copains »... C’est l’époque des Visa Vacances, de la découverte d’une multitude d’activités sportives. Le fils d’ouvrier et de femme de ménage a l’insouciance de son âge. « La boxe ? Pas un sport de prédilection pour moi ! Mon frère Harouna faisait de la boxe anglaise, il me disait de venir avec lui. Mais ça sert à quoi de mettre des coups de poing sur les gens ? »

Pas plus tenté que ça, le collégien se laisse convaincre par le discours d’un copain. Direction la salle un mercredi, sans tenue appropriée. Modibo débarque en jogging, galope et s’amuse. 
« L’entraîneur a vu que j’avais des facilités et m’a demandé si je voulais faire des compétitions. » 
Sceptique, le minot joue le jeu, l’air de rien. Jusqu’à migrer vers la Ville rose et son pôle France en 
2001 pour développer son potentiel, immense. De ses années au très haut niveau, le champion du monde retient l’essentiel. Loin du bling-bling de la discipline, le king du ring a combattu sur tous les « théâtres » possibles, en France bien sûr mais aussi à Madagascar, au Maroc, en Ukraine, au Sénégal, au Gabon, en Italie, Grèce, Russie, Roumanie. « Ah oui, là-bas j’ai vécu une belle galère... »

« Mais ça sert 
à quoi de mettre des coups de poing sur les gens ? »

A l’époque, le natif du Mali n’a pas encore la nationalité française et voyage avec un visa. Mais là, les autorités tiquent. L’organisateur du combat de kickboxing à Bucarest fait le forcing pour l’avoir sur son plateau. « Je suis arrivé le jour même du combat après trois heures d’avion et deux heures de voiture. » L’attend Pitbull, un combattant local impatient de se mesurer au petit frenchie à peine débarqué. Modibo Diarra remporte finalement son combat... « Pour moi, ça prouve que quelle que soit sa situation, on peut s’en sortir. » 


Le quadragénaire, père de trois filles de 9 et 7 ans (des jumelles), s’efforce d’inculquer ses valeurs à sa progéniture... et à tous les gamins qu’il côtoie à Ozon. Avec du recul, il se souvient de « la dureté » de l’éducation parentale, de ces « Je t’aime » qu’on ne dit pas, mais aussi et surtout de cet « accompagnement permanent ». Bref, un kit de survie en milieu hostile qui lui sert pour la vie. Sans être un porte-voix, Modibo Diarra s’efforce de véhiculer les bons messages. « Je sens chez ces jeunes beaucoup de respect, je peux discuter avec eux de tout et n’importe quoi. » Les émeutes de juin 2023 ? Elles ont provoqué chez lui désolation et tristesse. « Parce que ce sont les familles du quartier qui ont pâti de la fermeture du kebab, des commerces... » 


Fierté

Comme à Toulouse, l’éducateur sportif s’est « battu » pour ouvrir son club de boxe dans la ville. Son nom : Knock-down boxing Châtellerault (KDBC). Sa vocation : accueillir tout le monde et démocratiser les disciplines pieds-poings. Trois de ses frères l’ont rejoint dans l’aventure : Harouna préside le KDBC, Yssa est vice-président et Mamadou trésorier. Quant à sa compagne Counda, elle propose des cours de danse hip-hop et afro. Le tout au gymnase du lycée Branly. Le coach et entraîneur espère « plus d’heures à l’avenir » pour faire face à 
« une forte demande ». « Je veux aussi ouvrir des créneaux de self-défense pour les femmes », 
ajoute-t-il d’un ton toujours aussi placide. Depuis Toulouse, son quotidien a changé, mais ses convictions sont restées. « La maman » peut être fière.

À lire aussi ...