De l'ombre de la prison à la lumière du marathon

Une dizaine d’étudiants poitevins s’entraînent actuellement à la course de fond avec des détenus et des surveillants du centre pénitentiaire de Vivonne. Leur but : venir à bout du marathon Poitiers- Futuroscope, le 26 mai, et récolter de l’argent pour les Enfants de la Lune.

Romain Mudrak

Le7.info

Vendredi, 10h. Quatre étudiants de l’université de Poitiers ont rendez-vous au centre pénitentiaire de Vivonne pour un entraînement collectif un peu particulier. «Tout le monde a bien sa carte d’identité ?», interroge Pierre, un habitué des lieux. On ne pénètre pas facilement entre ces grands murs surmontés de barbelés. Autant dire que les élèves du master de « Management du sport » ont fait preuve de persévérance pour embarquer l’administration pénitentiaire dans cette folle aventure. Le concept ? Parcourir les 42,195km du marathon Poitiers-Futuroscope, le 26 mai prochain, en trio : un détenu, un surveillant, un étudiant.

Le vert du terrain de foot synthétique tranche avec le gris des murs d’enceinte. Comme une oasis dans le désert. C’est là qu’une quinzaine de détenus s’échauffent. Impossible de deviner les motifs de leur incarcération. Ici, ce ne sont pas des prisonniers, mais des sportifs volontaires et motivés qui ont décidé de courir pour une bonne cause : financer des masques de protection anti-UV pour les Enfants de la Lune, ces jeunes allergiques à la lumière du soleil. Kader est fier de « faire quelque chose de bien ». L’enjeu le touche particulièrement : « Quand j’étais plus jeune, au Maroc, j’ai connu des jumeaux atteints de cette maladie. Ils n’ont pas passé 15 ans. Je cours pour eux. C’est un peu comme si je continuais leur parcours. »

Son premier marathon en 3h48

« Le sport est une soupape de sécurité pour les détenus », assure Bruno, l’un des deux coaches de la prison. Au programme de la matinée, du fractionné. Pierre et Rime se joignent à eux. Quelques sifflets admiratifs retentissent lorsque la jeune étudiante de 25 ans en doctorat de Droit retire sa veste… Rien de bien méchant. On commence par quatre fois cinq minutes à allure rapide. De la rigolade pour Ludovic. Grâce à une autorisation exceptionnelle de sortie ce détenu a bouclé, en novembre, son premier marathon, à Jarnac, en 3h48. Les amateurs apprécieront. Comme aujourd’hui, il s’est entraîné en tournant autour du stade, un espace de 240m de circonférence qu’il connaît par coeur. En travaillant tous les jours de 7h à 14h.

Chacun s’exerce trois à quatre à fois par semaine, en respectant un planning précis, élaboré par un enseignant. « Le sport permet de s’extraire de la prison. On n’est plus là quand on court », témoigne Samir. Pour l’instant, seuls quatre détenus en fin de peine sont autorisés à sortir pour se confronter à l’épreuve suprême. Ils seront incognito au milieu du peloton. Les autres disputeront un semi-marathon à l’intérieur de la prison, deux jours plus tôt. Hakim sera libérable en avril. Rien ne l’obligera à participer. Mais il promet d’être au rendez-vous : « Je veux ressentir la fierté de passer la ligne d’arrivée. Le plus dur va être de continuer l’entraînement à l’extérieur. »

L’association cherche encore des parrains(*). Des entreprises capables de donner 1000e pour financer un masque. L’idée consiste à verser l’argent à la seule condition que le trinôme arrive ensemble. Vu la motivation des individus, l’action pourrait bien rapporter gros aux Enfants de la Lune.

(*) contact : sport.handi.insertion@gmail.com
 

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