Une évasion, des questions

La semaine dernière, Abdelkader Azza, alias « l’évadé du palais de justice », a tenu Poitiers en haleine pendant quarante-huit heures. Au-delà des circonstances de son interpellation, le « 7 » s’intéresse aux coulisses de cette fuite rocambolesque.

Arnault Varanne

Le7.info

Existe-t-il un précédent ?
De mémoire de (vieux) magistrats, aucun prévenu n’avait jamais réussi à s’évader comme Abdelkader Azza, par les toits du palais de justice de Poitiers. L’avocat Jacques Grandon se souvient seulement d’avoir assisté à une « tentative d’évasion » au milieu des années 60. « Le type venait d’être condamné à cinq ans ferme, a enjambé le prétoire, bousculé le juge, avant d’être interpellé au bord d’une fenêtre. Son hésitation lui a été fatale ! »

Comment les victimes ont-elles été protégées ?
Du lundi matin au mercredi après-midi, le centre-ville de Poitiers a vécu dans l’angoisse de croiser Azza. À commencer par sa compagne et la victime de ses coups de marteau. En fait, la première avait quitté le département dès le lundi, la seconde étant placée sous protection policière au CHU. Elle bénéficie de cinquante jours d’Interruption temporaire de travail.

Y a-t-il eu défaillance des agents chargés de son escorte ?
Au coeur d’un palais de justice vieillissant, le dispositif anti-défenestration n’est « pas suffisamment adapté », dixit le procureur Nicolas Jacquet. N’empêche, Azza devait-il être laissé seul dans cette pièce, avant de comparaître devant le juge d’instruction ? En l’occurrence, les deux policiers chargés de sa surveillance se sont éclipsés quelques minutes, le temps de déposer son dossier au greffier de service, situé à quelques mètres, et d’échanger quelques amabilités d’usage. Ils avaient un oeil sur la porte, mais le prévenu a choisi la fenêtre.

Quarante-huit heures pour le retrouver, est-ce un délai raisonnable ?
« A partir du moment où nous savions qu’il avait quitté les toits du Palais de justice, nous avons très vite pensé qu’il s’était réfugié chez quelqu’un. » La petite phrase a été lâchée par Nicolas Jacquet après le dénouement de l’affaire. Sans doute les policiers savaient-ils qu’Azza avait déserté les abords du palais de justice dès les premières minutes de sa fuite. Le fait de laisser croire qu’il s’y trouvait encore plusieurs heures après -avec une mobilisation record- a permis aux enquêteurs de la police judiciaire de mener l’enquête dans la sérénité. Jusqu’à ce que la porte de son complice présumé s’ouvre à Beaulieu, le mercredi… Entre-temps, la « PJ » avait auditionné une quinzaine de personnes.

Le palais de justice est-il un « gruyère » ?
L’évadé ne pouvait pas se cacher dans une pièce inutilisée du palais de justice, comme on
l’a cru. « Dès qu’un espace se libère, on y met des archives », affirme, sur le ton de l’ironie, Jean-Marc Masteau, gardien des lieux depuis trente-deux ans. Il ajoute : « Toutes les portes étaient fermées à l’heure de l’évasion car les personnels embauchent vers 9h et aucune effraction n’a été commise. »

Quels sont les enseignements à tirer pour la future cité judiciaire ?
Les salles comme celle d’où s’est échappé Abdelkader Azza n’existeront plus dans la cité judiciaire. « Les fourgons transportant les justiciables passeront par un sas d’accès. L’escorte accompagnera ces derniers dans le bureau du juge d’instruction ou jusqu’à une cellule d’isolement, en empruntant une galerie réservée à cet effet sous le bâtiment », explique l’architecte de l’opération, Vincent Brossy. Plus globalement, le public, le personnel de justice et les justiciables disposeront d’une entrée distincte. « La clé, dans la construction d’un palais de justice, c’est que les populations
ne se croisent jamais
», précise l’architecte parisien.
 

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