L’imam qui parlait vrai

Tareq Oubrou donnera une conférence, samedi, à Poitiers. Menacé de mort par Daesh , le recteur de la mosquée de Bordeaux n’entend pas céder un pouce de terrain aux obscurantistes de tous poils. « Je n’ai pas peur... », assure-t-il.

Arnault Varanne

Le7.info

Après les attentats du 13 novembre, il fut l'un des premiers dignitaires à s’élever contre « la barbarie terroriste », perpétrée par des fondamentalistes qui veulent « entraîner la France dans la boue du totalitarisme ». Tareq Oubrou parle haut et clair, avec l’espoir que sa voix porte au-delà des frontières de la communauté musulmane. Son tour de France de la concorde passera par Poitiers, ce samedi(*). L’imam de la mosquée de Bordeaux y invitera ses compatriotes à « ne pas avoir peur ».

« Leur force (aux Islamistes, Ndlr) est de semer la terreur. Il faut que nous gardions notre rythme de vie et intégrions cette violence. La guerre, c’est d’abord une question de mental. » Certes, mais comment mener le combat des idées, à l’heure où des milliers de jeunes se radicalisent ? L’imam reconnaît lui-même que « notre société mondialisée » suscite « des adhésions par le connectif et non plus par le collectif ». Face à cette dérive des esprits, à ce qu’on appelle parfois l’embrigadement en chambre, M. Oubrou répond « déconstruction idéologique » et... laïcité éclairée. « Le retour du religieux s’est fait fracassant, sans médiation savante ou d’une église. En même temps, une certaine laïcité a occulté une réalité religieuse latente. »

 

« Un processus de suicide déguisé »

A Bordeaux, l’imam a milité en faveur de la création d’un centre de déradicalisation. Lequel a ouvert il y a quelques jours. Le plus dur est sans doute à venir. « Le Coran est un texte très difficile à comprendre. Quand on refoule son histoire, on absolutise tout. D’une certaine manière, beaucoup de jeunes sont dans un processus de suicide déguisé. Ils veulent abréger une vie qui, pour eux, n’a plus de sens. » A la société de leur redonner un but. Et c’est là que la théologie ne peut être dissociée du politique ou de l’économie. Tareq Oubrou en est intimement convaincu, le « combat des idées » sera long et difficile.

Mais lui ne veut pas renoncer. Et parle volontiers de la République comme d’un bouclier puissant. « En France, l’immense majorité des musulmans souhaitent, d’une certaine manière, vivre dans l’indifférence. » Autrement dit, aucune raison de les stigmatiser « lorsqu’un taré tue au nom de Dieu ». Sur la liste noire de Daesh, il a, jusque-là, refusé toute protection policière.

 

« Comment faire société à l’heure du retour du religieux ? », conférence de Tareq Oubrou, samedi (15-16h30), à la faculté de Droit, 2, rue Jean Carbonnier. Bâtiment A1, amphi 400. Débat organisé par la Communauté musulmane de Poitiers et l’Institut Jacques Cartier.

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