Soirées : l'alcool au placard

Tapages nocturnes, ivresses aiguës, violences... La nuit, la quiétude du centre-ville est parfois perturbée par des comportements déviants, que condamnent riverains, collectivités, forces de l’ordre et associations étudiantes. À l’image des soirées Label Fête, organisées par la Ville, les initiatives sont nombreuses pour prévenir les comportements à risque. Et contenir la fougue étudiante.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

Julien(*) n’est pas prêt d’oublier la nuit du 22 au 23 septembre. Pour son premier « jeudi soir » sur les bords du Clain, cet étudiant en première année de droit ne s’était fixé aucune limite. Alcool, drogue, drague insistante... « C’est l’idée que je me faisais des soirées étudiantes. J’ai abusé. » À 3h du matin, après s’être fait renvoyer de la boîte de nuit où une soirée était organisée, Julien sent sa tête tourner. Et s’effondre. « Je ne contrôlais plus rien. Je n’étais plus moi-même. » Réveillé par la voix des infirmières, au CHU de Poitiers, le jeune homme de 18 ans ne se rappelle plus de son nom. « J’étais complètement bourré, à plus de deux grammes dans le sang. J’avais aussi pris de l’ecstasy pour la première fois. Le médecin m’a dit que j’avais frôlé la mort. »

Après 24h en observation au CHU, Julien a pu rentrer chez lui. Sans séquelles. Cette chance, certains ne l’ont pas. « Chaque mois, nous recevons des dizaines de jeunes en état d’ivresse aiguë ou sous l’emprise de stupéfiants, déplore le professeur Olivier Mimoz, responsable du service des urgences au CHU. Bien souvent, les patients admettent n’avoir pas pris conscience de mettre leur santé en péril. » « Ces comportements à risque », Françoise Ladjadj entend bien les prévenir au maximum. L’infirmière du service de santé universitaire a participé à l’élaboration de la « Charte pour la vie étudiante à l’université de Poitiers », co-signée la semaine dernière par les associations étudiantes et le président de l’université, Yves Jean. « Le constat est alarmant, explique-t-elle. Nous devons proposer de nouveaux outils pour développer un climat de prévention. Aujourd’hui, un jeune sur deux a déjà connu une alcoolisation ponctuelle importante avant d’entrer à l’université. »

Des « parcours alternatifs »

Selon une étude Inserm sur le « binge drinking », menée auprès de 1 200 étudiants de l’université de Poitiers, 50% des sondés déclarent consommer, au moins une fois par mois, quatre à cinq verres d’alcool en moins de deux heures. 34% d’entre eux avouent même le faire plusieurs fois par semaine. Si Yves Jean se dit « heureux des démarches entreprises pour encadrer les événements publics », il s’inquiète des nombreuses soirées privées, du jeudi notamment. En centre-ville de Poitiers, les forces de l’ordre dénombrent des dizaines de cas de tapage nocturne chaque semaine et, tard dans la nuit, doivent intervenir pour des actes de violence. « En 2015, nous avons relevé soixante-seize faits d’atteintes aux personnes, entre 3h et 6h du matin, précise Jean-Christophe Merle, commandant au commissariat de police de Poitiers. La plupart du temps, ce sont des coups et blessures volontaires. Les auteurs sont alcoolisés. »

Sept ans après avoir signé une « Charte de la vie nocturne », avec le Préfet de la Vienne et plus de quarante exploitants d’établissements de nuit, la municipalité vient de lancer un nouveau programme de soirées, « Label Fête », qui propose « un parcours alternatif où l’on s’amuse sans consommer d’alcool », comme l’explique François Blanchard, adjoint du maire en charge de la Jeunesse et de la Vie étudiante. L’élu insiste sur le fait qu’on « peut boire en faisant la fête, tout en restant responsable ». C’est d’ailleurs le maître-mot de la prochaine soirée du 3 novembre : « La fête n’est belle que si vous restez beaux. »

(*) Prénom modifié à la demande de l’étudiant.

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