Des femmes de militaires apaisent la colère

Cet été, les « Femmes de militaires en colère » ont vivement dénoncé les conditions de travail difficiles de leurs maris. A Poitiers, des épouses de soldats du RICM n’apprécient pas la méthode et disent leur vérité.

Florie Doublet

Le7.info

Les militaires n’ont ni le droit de grève, ni de manifester. Qu’à cela ne tienne, leurs femmes s’en chargent pour eux. Fin août, une cinquantaine de compagnes de soldats se sont donné rendez-vous devant les Invalides, à Paris, pour crier leur colère face aux « conditions de travail déplorables » de leurs maris. Sur la page Facebook du mouvement, qui compte plus de 7 000 adhérent.e.s, les messages d’indignation affluent. Manque de moyens, absences répétées, épuisement, logements insalubres, manque de nourriture, salaires dérisoires, retards de paiement… La liste de leurs griefs est longue.

« C’est une minorité qui fait beaucoup de bruit », lâchent de concert Charlotte, Florence et Nadine. Toutes les trois sont mariées à des sous-officiers du Régiment d’infanterie chars de marine (RICM) de Poitiers. Elles assurent « comprendre leurs revendications, mais pas la manière dont elles les expriment ». Evidemment, aucune d’elles ne nie les contraintes liées au métier. Surtout pas Florence, elle-même militaire. « Depuis le lancement de l’opération Sentinelle, les absences se sont multipliées. Je sais que certaines femmes le vivent mal. Ce n’est jamais facile d’être privée de son mari. Elles en ont ras-le-bol de gérer seules le quotidien. »

Les militaires pris pour cible

Au-delà de l’absence, ces épouses en colère craignent pour la vie des soldats. Les attaques à Valence, au Carrousel de Louvre, à Levallois-Perret et à l’aéroport d’Orly le prouvent : les terroristes ciblent les militaires. « Quand j’ai épousé mon mari, je savais à quoi m’attendre, tempère Nadine. Sentinelle, ce n’est pas là pour faire joli. Les militaires défendent un territoire à risque, notre pays. » En couple depuis vingt-trois ans, elle estime que l’armée a connu, au fil des ans, « de nettes améliorations », notamment en termes de communication. « C’est fini le temps où l’on s’envoyait des lettres qui mettaient quinze jours à arriver. » Charlotte, elle, applique le principe « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ! ». « De manière générale, nous arrivons à nous joindre facilement, que ce soit par SMS, WhatsApp ou téléphone. »

De la glace dans le désert

Quant aux conditions de vie en opération extérieure -opex dans le jargon-, elles seraient aussi plus favorables que celles décrites par les cheffes de file du mouvement « Femmes de militaires en colère ». Ces dernières parlent de logements insalubres, de nourriture rationnée, voire périmée… Charlotte dément. « Mon mari est parti dans le cadre de l’opération Barkhane, dans la bande sahélo- saharienne. Le premier jour, il m’a dit : « On a eu de la glace, tu te rends compte, en plein désert ! » Il a même pris du poids. » La jeune femme est également lassée d’entendre les mêmes récriminations au sujet du Logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois). « Oui, il y a eu des incidents de paiement, c’est un problème logiciel que nous sommes en train de résorber », assure la représentante des conjoints de militaire au « groupe utilisateurs solde ».

Pour autant, Charlotte, Florence et Nadine entendent la détresse de ces femmes et les encouragent même à en parler… autrement que sur les réseaux sociaux. « Les familles sont écoutées en cas de problème, atteste Florence. Nous bénéficions d’une aide psychologique si besoin et d’une cellule d’assistance (*). On peut se faire accompagner. » Apparemment, la Grande muette n’est pas sourde.

(*) Numéro vert Ecoute Défense 08 08 800 321.

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