Produits laitiers : des promos qui font jaser

Depuis l’adoption de la loi Sapin 2, en décembre dernier, les promotions sur les produits laitiers ne doivent pas dépasser 30% du prix unitaire. Sur les prospectus de la grande distribution, certaines offres dépassent le seuil autorisé. Au grand dam des agriculteurs qui dénoncent une infraction à la loi.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

En cette période de rentrée, les enseignes de la grande distribution jouent des coudes pour attirer le chaland dans leurs rayons. Sur leurs prospectus, elles y vont toutes de leurs offres promotionnelles. Ces dernières années, le « 2 achetés, 1 offert » est devenu la référence en la matière. Seulement voilà, depuis le 8 décembre dernier, et la validation par le Conseil constitutionnel de la loi Sapin 2(*), certains produits ne peuvent plus faire l’objet de rabais supérieurs à 30%. L’article L441-7 du code du commerce précise ainsi : « Pour (...) le lait et les produits laitiers, (les) avantages ne peuvent dépasser 30% de la valeur du barème des prix unitaires, frais de gestion compris. » Or, l’offre « 2 achetés, 1 offert » correspond à un rabais de 33,33%.

Pour les producteurs laitiers du territoire, dont les tarifs de vente ne cessent de baisser, « c’en est trop ». « Que fait le gouvernement ?, interroge Philippe Renaudet, éleveur de vaches installé à Chenevelles. La grande distribution continue d’afficher au grand jour ces réductions hors la loi, sans que la répression des fraudes ne lève le petit doigt. Le consommateur, lui, se frotte les mains et cela fausse sa vision du marché français du lait. » Pour étayer son propos, le Poitevin explique ainsi que « les prix de la grande distribution sont désormais inférieurs à ceux du gros ». « Aujourd’hui, un boulanger paie ses mottes de beurre de 5kg plus chères que s’il allait acheter le même poids en tablettes de 250g au supermarché. C’est inadmissible. » Dans les faits, l’agriculteur est la seule victime des offres promotionnelles, car ni le fournisseur ni le distributeur ne concèdent d’efforts sur leurs marges pour pratiquer les prix bas. « Nous vendons notre production à des prix indécents. Certains d’entre nous ont la corde autour du cou pour boucler les fins de mois. » 

« La grande distribution tient ses engagements »

Reste que, dans cette histoire de promotions « abusives », la grande distribution n’y est pour rien. « Le problème vient de la relation entre le fournisseur, autrement dit celui qui transforme les matières premières en produits de consommation, et les centrales d’achats des grandes surfaces, explique Patrick Toulou, responsable de la brigade LME (Loi de modernisation économique) à la Direccte Nouvelle-Aquitaine (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Les promotions sont décidées par le fournisseur, qui donne mandat à la centrale d’achat pour les appliquer. Le constat apparent avec les offres « 2+1 », voire « 2+2 », c’est la présomption d’infraction. » De son côté, Gwenaëlle Hollman-Nico explique qu’en matière de rémunération des agriculteurs et de respect des marges, « la grande distribution tient ses engagements ». « Entre les grandes et moyennes surfaces (GMS) et le producteur, il y a un intermédiaire, le transformateur, qui n’a jamais vraiment accepté de se mettre autour de la table pour faire preuve de transparence », lâche à demi-mots la vice-présidente de la Fédération du commerce et de la distribution Nouvelle-Aquitaine.

Pour engager une procédure, la Direccte doit toutefois constater l’infraction directement chez le fournisseur, en épluchant ses comptes et en tenant compte des fameux « frais de gestion » énoncés dans la loi. « Le problème, c’est que pratiquement aucun fournisseur n’est implanté dans la région, note Patrick Toulou. Tous, ou presque, ont leur siège social en Ile-de-France. » Interrogés, la Direccte IdF et la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) n’ont pas été en mesure de répondre à nos questions et se sont montrées approximatives dans leur connaissance de l’article de loi. Méconnu du grand public et, visiblement, de certains spécialistes économiques, l’article L441-7 du code du commerce n’en demeure pas moins en vigueur. A quand la fin des promos « frauduleuses » sur les produits laitiers ?

(*) Loi sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique. 

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