Une bouffée d’oxygène

Anne Etourneau. 57 ans. Parisienne d’origine, Poitevine d’adoption. A toujours rêvé d’une vie à la campagne, de projets insolites, de collectivisme... Vend des « parcelles souvenirs » en Ecosse et cultive une forêt comestible à La Roche-Posay. Une femme à part.

Marc-Antoine Lainé

Le7.info

La vue sur la Vienne est imprenable. Dans le salon de sa maison, Anne Etourneau s’offre chaque jour un spectacle visuel majestueux, grâce à la grande baie vitrée donnant sur la rivière. La quinquagénaire et sa famille ont emménagé dans cet ancien moulin de Bonneuil-Matours il y a quelques mois, pour « construire un nouveau projet de vie ». Et accomplir son rêve d’enfance : vivre dans un cadre majestueux, à la campagne.

Née en région parisienne, Anne Etourneau a grandi à la capitale, élevée par un père exigeant, avec lequel elle n’entretient désormais plus de bons rapports. Son baccalauréat en poche, la jeune femme passe alors un BTS en secrétariat de direction et rejoint l’entreprise familiale, dans le domaine de l’outillage. Un premier mari, un métier ennuyeux, une vie qui ne lui convient pas... La rencontre du futur père de ses filles sera déterminante. Avec lui, elle part s’installer dans le Loir-et-Cher, loin du tumulte parisien, et laisse enfin libre cours à sa créativité débordante.

De Montoire aux Froux

Derrière le large sourire qu’elle affiche, Anne Etourneau cache une volonté profonde de s’engager pour « des causes qui (lui) parlent ». L’optimisme est sa marque de fabrique. A Montoire, dans le « 41 », la mère de famille a d’abord ouvert un salon de toilettage, pour « gagner sa vie tout en bichonnant les chiens du coin ». En parallèle, elle organisait des cours d’initiation au Web à l’étage de sa boutique, emmenait des animaux à l’hôpital pour y mener des séances de zoothérapie avec les malades, mettait en place des sessions de soutien scolaire avec des élèves en difficulté et des personnes âgées... Une vie « épanouie » qu’elle a toutefois quittée brusquement pour s’installer aux Froux, dans la Vienne, au lendemain d’un grave accident de voiture.

« Nous avons vécu cet épisode comme un choc, explique la Poitevine d’adoption. Mon mari a dû travailler de longs mois en télétravail, ne pouvant plus se déplacer. » Par nécessité, Anne Etourneau prend un poste dans un call-center de Poitiers, avec la ferme intention de s’investir en parallèle dans un projet « aussi pertinent qu’insolite ». En surfant sur le Web, elle découvre le site de la société « Highland Titles », qui commercialise des « parcelles souvenirs » en Ecosse, afin de reboiser et reflorer la région Nord-Ouest du pays. « Personne ne connaissait le concept ici. J’ai envoyé un mail pour proposer mon aide. Et je suis devenue ambassadrice du projet en France. » Depuis dix ans, Anne Etourneau vend donc « des bouts de terre » en Ecosse et propose à ses clients de « devenir Laird, Lord ou Lady de Glencoe ». « Il y a des centaines d’années, l’Ecosse était couverte à 90% de forêts. Aujourd’hui, il n’en reste qu’1%. Sur chaque parcelle vendue, sont plantées plusieurs variétés d’arbres et de plantes. Dans le monde oppressant dans lequel nous vivons, ce genre de gestes est plein de sens. »

Le collectif avant tout

Le téléphone sonne. Au bout du fil, un propriétaire de parcelle souvenir demande conseil à Anne Etourneau pour organiser un voyage « sur ses terres écossaises ». « Les clients se rendent sur place et contribuent à faire survivre l’économie locale », se félicite-t-elle. Sitôt l’appel terminé, la quinquagénaire s’empresse de parler de « son nouveau grand projet ». Encore un. Tout aussi incroyable. Avec sa plus jeune fille, Anne Etourneau a entrepris de créer une « forêt comestible » à proximité de La Roche-Posay. « Comme pour les parcelles souvenirs écossaises, les clients pourront devenir propriétaire d’une plante de ce havre de paix pour les insectes. En France, l’agriculture intensive, la déforestation ou encore la pollution fragilisent l’environnement des insectes butineurs. Dans cette forêt auto-suffisante, ils pourront vivre sereinement. »

Aujourd’hui, Anne Etourneau parvient à gagner sa vie grâce à son engagement. Son « envie d’aider » et « (ses) convictions » ont fait d’elle une femme ambitieuse, convaincue de pouvoir « sortir les gens de leur individualisme ». Tout chez elle est basé sur le collectif. Au moulin de Bonneuil-Matours, elle et son mari vivent ainsi avec leurs deux filles et leurs conjoints. « Je m’épanouis dans la créativité et le partage. Ces projets sont une véritable bouffée d’oxygène pour moi qui voulais fuir la vie parisienne. » Hippie refoulée, Anne Etourneau entend poursuivre sur sa voie et « faire davantage de bénévolat dans les années qui viennent ». La retraite, très peu pour elle.

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