Une femme en ovalie

Marie Lematte. 43 ans. Ancienne joueuse de rugby de Nationale 1 et jeune retraitée de l’arbitrage international. Professeure d’éducation physique à l’université de Poitiers.  Aime aller de l’avant.

Claire Brugier

Le7.info

Loin du stéréotype du rugbyman, carrure d’armoire à glace, nez cassé et barbe virile, Marie Lematte est un concentré de féminité. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir fréquenté de manière assidue les terrains de rugby. Et au plus haut niveau ! Dans le monde de l’ovalie, en France comme à l’international, son nom est connu. Volubile et énergique, la quadragénaire s’en amuse. « Je ne suis pas fan du côté médiatique, mais je pense qu’il est important qu’il y ait des figures de proue, pour les jeunes qui arrivent derrière. »

Originaire de Poitiers, Marie l’adolescente s’est d’abord essayée, assez classiquement, à la gymnastique et à la danse. Puis la jeune étudiante en sport a souhaité entraîner les autres. Marie Lematte aime aller de l'avant. Comme au rugby. « Pendant mes études à la fac, j’ai eu envie de faire un sport co. J’ai hésité entre le rugby et le handball. Mais cette année-là les entraînements de rugby ont repris plus tôt... » Un heureux hasard. Vincent, son futur mari, lui-même adepte du ballon ovale, lui avait suggéré de tenter l’expérience. L’entraîneur a vite décelé les aptitudes exceptionnelles de la demoiselle, malgré des débuts joyeux et tâtonnants. La technique de la première équipe féminine de rugby poitevine était plutôt approximative. « Nous démarrions toutes, avec une bonne dose de naïveté,concède Marie Lematte avec une vraie nostalgie de tous ces fous rires partagés. Or, le rugby est un sport complexe au niveau des règles. »  

Sous la houlette de feu Jean-Luc Morisson, un ancien du Stade poitevin, l’équipe de débutantes a soulevé le bouclier de 3edivision. « Il nous a amené l’âme du rugbyIl nous a transmis l’entraide, le don de soi... toutes les valeurs de ce sport. » L’envie était là désormais, la technique suivrait. La gymnaste a abdiqué devant la rugbywoman en formation. 

Son premier poste de professeur d’éducation physique a conduit la jeune femme en région parisienne. Dans le nord du Val-d’Oise, elle a naturellement replongé dans ces 22 mètres devenus familiers. A Gennevilliers, Marie Lematte a découvert le haut niveau. « Au premier entraînement, j’ai tout de suite compris que ce n’était pas le même sport, sourit-elle.J’ai eu mal partout... Mais nous avions un entraîneur extraordinaire. En fait, j’ai eu la chance de faire de belles rencontres qui m’ont permis de grandir. »

En première division,l’ailière -centre parfois- a tutoyé les sommets en accédant à deux reprises aux demi-finales du championnat de France. Parallèlement, elle transformait l’essai de professeur d’éducation physique, dans le secondaire, à Persan-Baumont. « Je me suis éclatée ! » Toutefois, après sept années passées à Sarcelles, la jeune mère de famille a préféré, en 2005, revenir à ses sources provinciales. Son second fils est né à Poitiers. 

Arbitrage : le rugby sans les chocs

Marie Lematte a d’abord enseigné au collège de Latillé, puis elle a fait sa rentrée à l’Université de Poitiers. Quant au rugby, « je vieillissais... Et puis surtout les filles évoluaient en Nationale, elles allaient jouer à perpet’ pour se prendre des pilules ! »Un an après elles étaient redescendues en interrégional et l’ancienne joueuse de Nationale 1, nourrie à l’en-avant, rechaussait les crampons au milieu des jeunettes, avec pour entraîneur son mari. Mais « le rugby reste un sport de combat. Quand il faut plaquer, il faut aller au contact. On a des bleus le lundi matin... »

A 36 ans, Marie Lematte est devenue arbitre, la première en Poitou-Charentes et bientôt la première à l’international. « Les règles, j’avais ça dans mon métier. Et en tant qu’arbitre, on a la course sans les impacts, avec une autre responsabilité. Il faut gérer l’émotionnel, prendre des décisions au millième de seconde, avec trente personnes qui se disputent le ballon.  Cela m’a aussi permis de me dire : j’arrête de jouer mais je suis toujours dans la place. C’était un autre défi, ce n’était pas la petite mort. »Très vite, elle s’est retrouvée un dimanche, à Parthenay, au milieu de cadets décidés à en découdre. «  Il fallait que j’apprenne à me placer, à gérer les changements de banc de touche, l’administratif, la gestuelle aussi », à laquelle l’ancienne danseuse a semble-t-il apporté une petite touche de grâce inédite. 

Du championnat masculin de Fédérale 3, Marie Lematte s’est retrouvée propulsée sur la touche de la Coupe du monde de rugby à XV féminin 2014, à Marcoussis. « Joël Jutge(ndlr, manager des arbitres internationaux au sein de World Rugby) souhaitait qu’il y ait au moins une Française parmi les arbitres mais il m’a prévenue d’entrée : si tu ne conviens pas, tu repars. »  Testée en tant qu’arbitre de touche sur le match de préparation France-Afrique du Sud, Marie Lematte a convaincu. Puis elle a vécu la coupe du monde 2017 sur la touche, trois tournois des Six Nations au centre et bien d’autres encore. Elle a beaucoup voyagé, emmenant de temps à autres sa famille dans ses bagages. 

Aujourd’hui la jeune retraitée del’arbitrage international féminin est une référence qui fait la fierté de son père, ancien footballeur, et de sa mère,« qui ne comprend toujours rien au rugby », plaisante-t-elle. Mais il paraît qu’elle a regardé certains de mes matchs ! » Elue au Comité départemental, l’ancienne championne a plein d’envies, de badminton, d’apiculture, de forge... sans perdre de vue la Coupe du Monde de rugby à XV féminin 2023, comme spectatrice désormais. 

 

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