Germaine Tillion, une femme lumineuse

Le Regard de la semaine est signé Cheikh Diaby, référent départemental de SOS Racisme.

Le7.info

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Si l’on cherche une figure héroïque à fournir comme modèle aux générations à venir, Germaine Tillion occupe dans mon esprit une place de choix. Depuis de nombreuses années, grâce aux travaux de Tzvetan Todorov, j’éprouve une grande admiration pour cette femme simple et profondément humaine.
 De sa naissance, le 30 mai 1907, à sa disparition, le 19 avril 2008, tout dans la vie et l’œuvre de Germaine Tillion fut d’une luminosité, d’une constance et d’une cohérence absolues.


Dans Le siècle de Germaine Tillion, Jean Daniel écrit à juste titre : « À chaque instant décisif de sa vie, à chaque étape cruciale de la nôtre, elle s’est retrouvée à l’endroit qu’il fallait, parce qu’il le fallait, sans la moindre justification et même sans l’ombre d’une évocation d’un quelconque impératif moral. »
 L’Algérie ? Elle y était dès les années 30, dans les Aurès, en tant que jeune ethnologue. Elle y reviendra en 1954 et 1957, impulsera la mise en place des centres sociaux. Au moment de la guerre d’indépendance, avec son ami Albert Camus, elle mettra toute son énergie à sauver des vies dans les deux camps. La Résistance ? Elle contribuera à mettre sur pied l’un des premiers embryons de la Résistance : le « réseau du musée de l’Homme ». 
La déportation ? Elle a vécu Ravensbrück et sa mère y a été assassinée. Malgré l’horreur et la barbarie, Germaine Tillion a toujours cru aux vertus de la civilisation et usé d’un humour à toute épreuve. Arrêtée le 13 août 1942, elle se souvient de ce conte peulh, celui des deux pêcheurs qu’elle relate dans La traversée du mal, livre d’entretien avec Jean Lacouture.
 Dans ce conte, l’un des deux pêcheurs dit à l’autre : « Il faut traverser à la nage pour aller chercher notre bateau. Si nous traversons à la nage, répond le second, le crocodile va nous manger. Dieu est bon, dit le premier. Oui, mais si Dieu est bon pour le crocodile ? », réplique le second. Ce jour de son arrestation, Dieu a été bon pour le crocodile. 


Pendant toute sa détention, dans cet univers concentrationnaire, elle ne subit pas les événements, elle se mobilise, donne des éléments d’ethnographie, fait une conférence, trouve au plus profond d’elle-même les moyens de se sauver avec ses co-détenues. « Quand on éclaire un monde même affreux, en quelque sorte on le domine », disait-elle.
 Mais y a-t-il une recette pour survivre dans cet environnement ?
C’est encore elle qui donne la réponse, dans Ravensbrück, en 1972 (éditions du Seuil) : « Si j’ai survécu, je le dois d’abord et à coup sûr au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et, enfin, à une coalition de l’amitié car j’avais perdu le désir viscéral de vivre. » Désormais, avec ses co-détenues, elle se donne pour but de témoigner de l’horreur subie. Dans La traversée du mal, son amie Geneviève De Gaulle-Anthonioz écrira : 
« Quelle chance extraordinaire d’avoir « traversé le mal » à tes côtés, puisqu’en te voyant nous pouvions croire au bien, puisque nous pouvions espérer. » 


CV express
52 ans. Marié. Gestionnaire d’indemnisation assurances dans une mutuelle, en cohérence avec les valeurs de solidarité et de fraternité. Responsable départemental de l’association SOS Racisme, membre permanent du bureau national. Soucieux des autres et très attaché aux valeurs de la République.

J’aime : les gens bienveillants, la diversité, la lecture, les repas entre amis, la lecture et la marche à pied.
J'aime pas : la violence, le manque de respect, le cynisme et l’hypocrisie. 

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