Pascale Daniel-Lacombe : « Décloisonner les formes de théâtre »

Pascale Daniel-Lacombe a mis en sommeil le Théâtre du Rivage, à Saint-Jean-de-Luz, pour jeter l’ancre à Poitiers. Elle a pris en début d’année la direction de la Comédie Poitou-Charentes, une mission qu’elle aborde « avec enthousiasme et fébrilité".

Claire Brugier

Le7.info

En tant que metteuse en scène, fondatrice d’une compagnie de théâtre, pourquoi prendre la direction d’un centre dramatique national (CDN) comme la Comédie Poitou-Charentes ?

« Au bout de plusieurs années de compagnie, j’éprouve le besoin de me remettre en question et, en tant qu’artiste, de trouver de nouvelles destinations. Ce poste au CDN, une structure sans lieu dédié, me ressemble un peu. J’ai aussi envie de travailler pour d’autres que moi-même. J’ai toujours cherché à me nourrir des autres pour ne pas être enfermée. Ma mission m’apparaît assez ample, j’y entre avec enthousiasme et fébrilité. La complexité tient au fait d’exister sans lieu dédié. Je veux en faire une force pour vasculariser le CDN à son territoire, l’inscrire dans ce paysage, en changeant peut-être son nom. Que le patrimoine du CDN devienne un patrimoine affectif."

Quel projet artistique apportez-vous dans vos bagages?


« Je souhaite placer mon projet sous l’étendard de la vulnérabilité du monde et haubaner le CDN à son territoire, avec ses nombreux artistes, en m’appuyant sur l’élan de la nouvelle génération comme pivot de tous les âges. Il me semble aussi important de décloisonner les formes de théâtre, en salle, dans l’espace public… en explorant toutes les formes d’écriture scénique (adaptation de romans, écriture de plateau…) et en mêlant théâtre et cinéma, danse, arts numériques... "

Dans le contexte actuel, pensez-vous que la culture doive se réinventer ?

« Inventer, c’est notre pain quotidien. Se réinventer ? La préoccupation des artistes est toujours de réinventer des formes et des espaces pour mieux faire entendre le sens des choses. La question est de savoir comment on agit dans cette temporalité inédite, si on s’adapte de façon momentanée ou s’il y a quelque chose de plus profond à creuser. Les CDN sont des maisons de création qui n’ouvrent pas que le soir mais aident aussi les artistes à travailler. Quid ensuite des spectacles ? Ce qui est certain c’est que toute vulnérabilité exacerbée a la capacité d’être sublimée et de devenir un enjeu de création. Simplement, il ne faut pas l’aggraver mais trouver où elle est une force. La crise actuelle est à la fois quelque chose qui nous isole tous et qui nous rassemble. Il est certain que de ce paradoxe va naître la création, mais quoi ? J’ai la volonté d’embrasser cette question téméraire avec les artistes associés, extérieurs et les compagnies locales. Je ne crois pas en la toute-puissance de l’artiste. C’est dans le liant avec les gens que les choses vont naître."

Si vous deviez vous décrire en quelques mots…?

« Si je devais me définir en trois verbes, ce serait ouvrir, relier et faire advenir. Je ne sais pas si je vais faire ce que je pense que je vais faire, mais je veux avancer dans cette direction. Je pense être à l’écoute, délicate dans mon rapport aux autres… et opiniâtre ! Dans ce métier, il faut apprendre à tenir. "

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