Fonderie fonte : la liquidation judiciaire semble inexorable

Le seul repreneur potentiel n’a pas les fonds, les dernières commandes ne feront pas tourner l’usine au-delà de juillet… Après deux ans de combat social, à moins d’un financement improbable, la fonderie fonte d’Ingrandes sera liquidée début juillet et ses 288 salariés licenciés.

Claire Brugier

Le7.info

Difficile voire impossible d’y croire encore. « A moins qu’un investisseur vienne avec 5M€ avant le 1er juillet… » Alain Delaveau n’a pas besoin d’en dire plus. Comme leur représentant, des salariés de la fonderie fonte d’Ingrandes-sur-Vienne (288) ne se font plus guère d’illusion. L’assemblée générale convoquée ce jeudi, la énième organisée devant l’usine, les rapproche de la fin du combat. Mardi, date butoir de dépôt des offres de reprise fixée par le tribunal de commerce de Paris, seule la lettre d’intention de l’actuel directeur, Jean-Luc Combaud, est parvenue sur le bureau de l’administrateur. Ce matin, lors du CSE, le seul potentiel repreneur, qui envisageait de s’associer à Global TC, une toute jeune société créée en décembre dernier à Fuveau (Bouches-du-Rhône), a demandé un délai jusqu’au 15 septembre pour rassembler des fonds. Dans le contexte actuel, sans plus de commandes pour tenir jusqu’à cette date et sans autres garanties, l’administrateur n’a pas accédé à sa demande et va requérir l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.

« Cela n’avait pas de sens de dire que l’on prolongeait jusqu’en septembre, souligne Alain Delaveau, exemple à l’appui. Hier après-midi, les gars de l’équipe A ont mis leurs chaussures de sécurité, leurs bleus et ils n’ont pas pu travailler. » L’usine doit encore produire 27 000 pièces. Elle en produit actuellement 500 par jour alors qu’il en faudrait le double dans le temps imparti. « On va vers une liquidation de l’entreprise avec une prolongation de l’activité pour pouvoir répondre aux dernières commandes, précise Alain Delaveau. Renault a conditionné le versement de la prime supra-légale à la livraison des dernières commandes. Donc la question aujourd’hui est : est-ce qu’on les fait ces carters ? » Dans l’assistance, les salariés sont abasourdis. « Ce n’est pas une question d’envie, c’est une question de carotte », lance l’un d’eux. « Nous répondons à un odieux chantage, mais nous n’avons pas le choix », lâche à son tour Thierry Waye, représentant CGT.

« Partir la tête haute »

« Aujourd’hui nous voulons aller jusqu’au bout de ce qui a été commandé, pour l’amour du travail et pour partir la tête haute et fiers de ce qu’on a fait, note Christian, 39 ans d’ancienneté. Cette usine, on l’a démarrée de zéro, on l’a faite prospérer, grandir, et du jour au lendemain on nous l’enlève… » « Elle nous a fait vivre, complète Jean-Luc. Pourvu qu’on arrive à faire les pièces jusqu’au bout… » Rien n’est moins sûr, la première ligne de production étant, selon les salariés, dans un état déplorable et la seconde ayant été plus ou moins dédiée aux prémices de la diversification, en l’occurrence la fabrication d’haltères et de plaques d’égout. Et l’Etat dans tout ça ? Il accompagnera l’usine s’il y a un repreneur. « Et les 3,6M€ ? (ndlr, montant du prêt octroyé le 4 mai à Alvance Poitou fonte) ? » interroge un salarié. Pas de réponse connue.

En attendant, « nous allons continuer de fabriquer des pièces pour l’entreprise qui nous licencie », conclut avec tristesse Alain Delaveau. En visite dans l’usine agonisante une heure après l'assemblée générale, dans le cadre de la campagne des Régionales, Jean-Luc Mélenchon évoque une « prime à la résistance ». Les salariés de la fonderie fonte ont résisté, toujours dans le respect des négociations, et pourtant…

 

 

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