Mauvaises blagues

Le Regard de la semaine est signé Ilham Bakal.

Le7.info

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En tant qu’humoriste, je n’ai pas aimé les sketchs et les caricatures qui ont été faites sur les femmes lors du premier confinement, ni au deuxième d’ailleurs. L’inspiration glanée du moment était celle de la peur de ne pas avoir d’idées drôles et non celle de la liberté d’expression. Quand on a peur face à la page blanche, face au « trou », on radote.

Pour ces coups-là, personne n’a hurlé au Copycomics, ces vieilles blagues que l’ancienne génération racontait déjà au comptoir des cafés à chaque guerre. Haha, les femmes ne se font plus épiler, plus couper les cheveux… Haha ! Je vous jure, je suis pliée de rire, non, vraiment, qu’est-ce que c’est drôle ! Haha, les femmes ressembleraient à des guenons. Non franchement les gars, bravo ! C’est ça le niveau d’humour ? Quand vous flippez les gars, c’en est presque… rasoir.

Chaque matin du premier confinement, je recevais sur Messenger et WhatsApp toutes ces blagues immondes où les femmes s’énerveraient, seraient insupportables. Non, franchement, les gars, chapeau ! Y a rien à dire ! Enfin si, y a à dire de toutes ces insultes potaches sur fond brouillon, on attaquait à coup de mots, de dessins, de photos, de vidéos les femmes sans relâche, chaque matin, face au Coronavirus. J’ai pas compris… Je dois être « conne » évidemment ! Un jour, peut-être, on m’expliquera pourquoi face à l’ennemi, quand on a peur, on attaque d’abord les femmes.

Chaque blague transmise, je me suis dit intérieurement : Et si un homme violent vivant avec une femme et des enfants se marre, trouve ces vannes intéressantes qui, l’air de rien ici et là, sont gloussantes et pourtant violentes. « Ma femme devient moche, oh c’est drôle ». Tiens, une bonne raison de la frapper elle et ses gosses. Oui, parce que des blagues sur les gosses, ne vous inquiétez pas, y en a eu aussi. 

Les violences contre les femmes ont augmenté de 60 % depuis le premier confinement. Perso, je n’arrive pas à m’empêcher de me dire : Et si ces mauvaises blagues étaient restées au fond d’un placard ? Ce que dit ton grand-père ou ton oncle à Noël, ne le ressors pas. Les vannes racontées dans tous les pays depuis des générations, ne les ressortez plus.  Trouvez les vôtres contre le Coronavirus, le racisme qui a dégénéré, le sexisme et les violences familiales qui ont plus tué sur ces deux dernières années, contre les fausses informations. Y a pourtant de quoi faire avec un peu d’inspiration et… beaucoup de courage !

CV express
Ancienne ingénieure informatique au CNRS dans l’aérospatiale pour devenir, au grand dam de ses parents immigrés marocains, saltimbanque en mode « couteau-suisse artistique » désireuse de parsemer des poussières d’étoiles plein les yeux en brûlant les planches, en dévorant les bibliothèques ou en se baladant de studios de musique en plateaux de tournage.

J’aime : la terre de mes grands-parents au Maroc face à l’océan Atlantique, rêver et surprendre, les histoires de personnes banales qui font des choses incroyables, l’humour (marocain, ça va sans dire), faire rire les gens, les mélodies de mon mari, les câlins-poèmes de ma fille, mes moments en famille, de bons repas avec de bonnes personnes, les anecdotes de ma mère. 

J’aime pas : l’injustice, les discriminations, toutes les violences, notamment celles faites aux enfants et contre les femmes, la pollution et ce salaud de plastique, la mauvaise foi, la manipulation et les psychopathes. 

 

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