Méta-chronique (chronique sur les chroniques)

Le Regard de la semaine est signé Paul Dequidt.

Le7.info

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Voici une première phrase intrigante. Elle est volontairement courte car c’est une formule choc. Pour créer du suspense. Si j’arrive à attraper votre regard à ce moment précis, je sais que je peux vous entraîner avec moi pour le reste de la lecture, à condition de ne pas vous perdre. C’est pourquoi j’ajoute des mots de liaisons d’une phrase à l’autre, qui permettent de donner du rythme à mon propos jusqu’à la fin du paragraphe. Une pause : on respire.

C’est la mélodie, le plus important. Quand on écrit, les virgules et les mots nous servent de conducteurs. Enchaîner des mots courts, six syllabes à la fois, pose un rythme ternaire. Et si je continue, même involontairement, ce rythme s’entretient. Le pli est pris, alors je casse. Je passe à quelque chose de différent.

Écrire ces chroniques, c’est comme raconter une histoire. Assis face au clavier, je teste des tournures de phrases les unes après les autres. Je pèse, retouche, enlève, prends de la distance, relis mon texte un grand nombre de fois. Parfois c’est difficile, et parfois ça coule tout seul. Il y a généralement un déclic, puis le processus s’enclenche. C’est, de ce que j’en comprends, une sorte d’exercice artistique.

Car quand l’écriture est fluide, je me retrouve porté par un mélange de sensations. Chaque mot a ses nuances, une forme de douceur ou de fragilité. On arrange les sons les uns avec les autres, parfois durs, parfois coulants, parfois doux. Tout cela se manie avec délicatesse. Un mot mal agencé sonne comme une fausse note, ou comme un pied de trop, et ce déséquilibre (sauf s’il est voulu), provoque une frustration parfois obsessionnelle. Je tourne la phrase dans tous les sens : trop pompeux, trop ceci, trop cela ! Alors imaginez quand tout s’aligne bien, que le casse-tête est résolu : quel plaisir !

En me lisant, cette fois-ci, vous n’avez peut-être pas appris grand-chose. Mais ce n’est pas le but. Si j’ai pu vous partager, juste avec quelques lignes, l’une des joies que procure l’écriture, mon travail sera fait. Prendre quelques minutes pour profiter de quelque chose de beau, lentement, c’est s’ouvrir en humanité. La littérature, les arts, la musique sont autant de médias qui nous touchent, nous atteignent, pour peu qu’on leur laisse faire effet. Prenez une pause aujourd’hui. Regardez autour de vous, les lieux, les gens. Qu’allez-vous faire pour vous offrir du beau ? 
Je vous souhaite d’en profiter pleinement.

CV express

Docteur en Traitement du signal, une discipline entre la physique et l’infor- matique. J’ai travaillé sur l’étude de tumeurs cérébrales par intelligence artificielle. Passionné de neurosciences et de psychologie, j’aimerais que mes recherches permettent de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. En 2021, j’ai remporté le concours national « Ma thèse en 180 secondes ». Un aboutissement pour moi qui ai beaucoup travaillé la communication !

J'aime : les sciences (dures et sociales), la rhétorique, la politique, les blagues, les couleurs vives et la tarte au citron.

J'aime pas : les mensonges, les façades, le climatoscepticisme ordinaire, l’individualisme et les bananes.

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