samedi 02 novembre
Le Regard de la semaine est signé Sourabad Saïd Mohamed.
Dans son essai autobiographique, Barack Hussein Obama raconte son parcours de construction identitaire depuis son atterrissage à Chicago. En 1983, il décide de devenir « organisateur communautaire ». Il y a un caractère fantasmé et idéologique dans ce type d’activité. Organisateur communautaire, qu’est-ce donc que cette affaire ? Plus loin, le 44e Président des Etats-Unis précise : « Quand mes amis, à l’université, me demandaient ce que je faisais, je ne pouvais pas leur répondre directement. Je parlais de la nécessité du changement : à la Maison Blanche, qui était indifférente aux besoins de trop de gens, au Congrès, trop complaisant et corrompu, dans un pays trop imprévisible et trop centré sur lui-même pour voir ce qu'il s’y passait. Le changement ne viendra pas d’en haut, disais-je. Le changement viendra si on amène les gens de la base à agir à l’intérieur de leur propre communauté. » L'organisateur communautaire était donc celui qui avait la capacité à mobiliser une communauté en particulier, en l’occurrence ici la communauté noire, pour apporter les éléments de changement dont elle avait besoin. Il existait bien un rêve noir au sortir des années 60 et 70, avec comme perspective un renforcement communautaire afin de mettre des mots sur la réalité socio-économique. Beaucoup se souviennent sans doute du « black is beautiful », qui consiste à affirmer la beauté noire par rapport aux canons de beauté des Européens. Venu d’abord de l’esprit de Malcolm X, il deviendra pour la communauté noire américaine un mode de vie.
Bien entendu, cette approche n’aurait pu fonctionner en France. Dans une République unie et indivisible qui ne reconnaît aucune autre appartenance que celle de la communauté républicaine, la notion de communauté est immédiatement disqualifiée. Le républicanisme nous en ferait tout un plat. Et pourtant, cette diversité est quasi inexistante, aussi bien dans les partis politiques de gauche et de droite qu’au sein des instances de direction des entreprises.
Les résultats en termes d’intégration des minorités aux Etats-Unis, et aussi en Grande Bretagne, sont factuels. Quid de nos belles âmes républicaines et de leur capacité d’intégration ? Au-delà d’un paternalisme de gauche ou de la haine de l’extrême droite en direction de ces communautés, que reste-t-il de la volonté de faire partie du cadre politique et économique ? On peut par ailleurs poser cette même question au sujet des femmes. La France traite mal les minorités, c’est un fait, mais que font les minorités pour qu’on prenne en compte leur réalité ? Un organisateur communautaire ? Sans doute pas la solution du siècle, mais... En même temps, il faut revenir au réel, le travail de Barack Hussein Obama a beaucoup plus consisté à accompagner des familles paumées et des personnes en situation de décrochage social qu’autre chose. Mais n’est-ce pas là un début ?
CV express
Diplômé de philosophie et de l’IAE de Poitiers. Je suis le président de l’Agence pour l’égalité. Passionné de rap et de littérature, je cultive la critique comme mode de vie et je suis très largement attaché au principe éthique de Spinoza.
J’aime : les nouvelles générations et leur capacité d’inventer un monde bien meilleur que celui que nous leur laissons.
J’aime pas : la situation d’inculture dans laquelle nos société semblent être plongées alors que l’accès à l’information et aux savoir n’a jamais été aussi important.
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