Docteur James et mister Lay

Qui ne connaît pas James Lay passe à côté d’un personnage haut en couleurs. Le patron du « LM Café », à Poitiers, cultive excentricité et goût de la provoc’. Pour le bonheur de ses proches et le malheur de ses détracteurs.

Arnault Varanne

Le7.info

Bon, on commence par quoi ? Je voudrais vous y voir, vous, en face du bonhomme, à 8h du mat’, au coin du zinc. À boire un café, parler de tout, de rien, sans que son débit de paroles n’oscille sur la courbe de la rhétorique. James Lay n’est pas du genre diesel. Il a un avis sur tout. Et tout le monde. Connaît un paquet de gens. Mais qui connaît vraiment le fils des anciens gérants du Relais du stade, à deux jets de Rébeilleau ? Ah là, personne ne se bouscule au portillon. Et oui, le gérant du « LM Café » -Love Money, c’était trop connoté- aime « faire le vide autour de lui ».
« On me décrit comme un libéral humaniste. Foutaise ! », balaie-t-il avec une mauvaise foi presque jouissive. Bien monsieur, on ôte illico l’attribut humaniste. « Je suis libre, indépendant et irrécupérable. » Va pour le dernier qualificatif. À 54 ans, bien malin celui qui arrivera à le caser quelque part. Le docteur en droit public, bac + 8 au passage, déteste la récupération. Il suffit de se replonger quelques années en arrière pour s’en apercevoir. Le « Love Money » a ouvert ses portes en janvier 2000. La campagne des municipales 2001 se prépare. Et, surprise, James Lay découvre qu’il figure dans le document de propagande du candidat Santrot, au nom de son amitié avec « son copain Jean-François Macaire ». Son sang ne fait qu’un tour. En guise de provocation, il rebaptise son bistrot « Love Morin Café », du nom de la candidate d’en face. Une bravade de plus dans un casier déjà fourni ! « On m’a traité de facho, de bar de droite. Je m’en fous… »

Excès de franchise


Son rapport avec les politiques frise la crise de nerfs permanente. « Ils ne m’ont jamais fait b… J’ai du respect pour eux, aucune admiration. J’ai très vite compris que les hommes politiques n’avaient plus le pouvoir. » La preuve, par deux fois, l’ex-chômeur leur a volé la vedette médiatique. Tour à tour, L’Expansion et le Figaro l’ont classé parmi les gens qui comptent à Poitiers. Le trublion numéro 1 rosit de plaisir à la (re)lecture des coupures de presse. Tant pis pour ceux qui le détestent. À commencer par ces clients qu’il a fait fuir de son bar, saoulés par ses excès de franchise. « Un mec qui entre ici et ne dit pas bonjour, je suis capable de refuser de le servir. »
En fait, James Lay ne se fixe aucune ligne jaune sur le terrain du débat musclé. Il s’affranchit de tous les usages avec un égal bonheur. Complètement farfelu, mais d’un conformisme absolu. Tiens, encore une anecdote. Au début des années 80, ce pourfendeur de la pensée unique travaille pour le compte d’une agence de change. Il est en charge de dénicher l’épargne populaire susceptible d’alimenter les cours de bourse. « On avait fait perdre beaucoup d’argent à certains clients, notamment à cause des actions Eurotunnel. Et mon patron me dit ceci : Dites-leur qu’on avait intellectuellement raison ». » Sa réponse lui a valu une mise à la porte définitive. Mais, quelque part, lui aussi se délecte d’avoir « intellectuellement raison ». Plus conformiste, tu meurs, non ?

« Plus heureux que jamais »

Il ne faut pas s’étonner que les anciens clients du « Bar sans nom » aient mis moins de six mois à déserter l’endroit. Dans ce lieu si singulier, où les chômeurs, les sourds et les entrepreneurs ont leurs habitudes, le patron règne en maître à débattre. Et à positiver. Avec Odile, sa femme rencontrée… quelques jours après l’ouverture du « LMC », James Lay se sent « plus heureux que jamais ». Il est le feu, elle est l’eau. Quoi qu’il en soit, ils constituent des faiseurs de rencontres (cf les Mardinoustoo). Qui embarquent, chaque dimanche, les plus sportifs dans un « footing » convivial au parc de Blossac. L’enfant de Rébeilleau, coureur à pied émérite -record à 2h36’ sur le marathon-, se complaît dans cette vie simple et parsemée de « petits plaisirs quotidiens ». À la fois inclassable et attachant, incontrôlable et désopilant, le patron du « LM Café » irrite ou fascine, c’est selon. Lui s’en fiche comme de sa première paire de baskets.

 

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